Regards philosophiques (113)

Publié le par G-L. P. / J. C.

 

 

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Thème :

  « A quoi sert le savoir ? » 

 


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  Débat :

 

 

Pour moi, pour donner une réponse à la question « à quoi sert le savoir ? », cela sert notamment à l’écrivain en tant qu’écrivain, ça sert à transformer le regard sur le monde qui nous entoure. C’est une ouverture pour mieux occuper l’espace qui nous entoure.


Par ailleurs, j’ai l’impression, par exemple, qu’en comprenant le cœur de sa ville, en apprenant l’architecture des bâtiments qui ont été construits, on acquiert un savoir qui nous permet de s’insérer, de comprendre mieux les choses, de mieux occuper notre espace. C’est vrai qu’il y a  des choses qu’on a apprises  et qu’on va savoir sur l’endroit où l’on vit, et on s’y trouve mieux.


Quant au savoir transmis, je trouve qu’il y a appauvrissement en ce moment dans l’enseignement, notamment vis-à-vis des jeunes, parce que les compétences sont opposées au savoir. La compétence, c’est vrai qu’en amont, c’était un peu révolutionnaire, parce que dans les années 70 Bourdieu et d’autres ont avancé l’idée que le savoir était élitiste et que justement la compétence se confond avec un savoir-être, un savoir-faire. Dans ce monde là, oui, c’était un peu révolutionnaire, mais maintenant cette notion de compétence ayant été reprise par les entreprises, et quelque part par le capital, on arrive au fait que, finalement, la compétence engendre un appauvrissement du savoir.

Donc, je pense qu’on doit continuer à transmettre des savoirs.


Il est clair qu’il vaut mieux un savoir orienté par un professeur qui veut transmettre de façon subjective que pas de savoir du tout. Par exemple, j’ai entendu parler d’un projet d’autoformation, et là les étudiants n’auraient plus qu’à se connecter sur Internet et s’auto-former. Le contenu  de cette autoformation serait un mixte d’un certain nombre d’interventions par des enseignants (ou pas)  en disant que, finalement, on aurait plus de neutralité en gardant le meilleur. Mais en fait, la personne qui transmet le savoir est aussi importante que le savoir lui-même. Même si le savoir est orienté, la technique de la personne qui transmet compte aussi dans l’apprentissage, de même que la curiosité de la personne qui reçoit. C’est pour cela que cette idée d’autoformation me faisait un peu peur. La transmission du savoir est quelque chose humainement plus importante que le contenu.


Il y a  un rapport entre « savoir » et « mémoire ». A l’heure actuelle, la psychologie cognitive distingue cinq types de mémoire. Dans l’ordre du plus fondamental au plus spécial : nous avons déjà la mémoire procédurale : on sait faire du vélo, on sait jouer du violon, etc. C’est quelque chose de tout à fait inconscient ; nos neurones savent tout seuls comment tirer des notes d’un violon. Puis, nous avons les perceptions sensorielles, dont peu sont conscientes. Par exemple, vous entendez une langue étrangère à la radio, si vous ne connaissez pas cette langue, c’est une sorte de musique, mais si vous la connaissez vous percevez alors des mots. Autre mémoire, c’est la mémoire du travail, mémoire immédiate, par exemple les multiplications. Puis, nous avons la mémoire sémantique, celles des jeux télévisés ou radiophoniques, où il faut savoir « qui a gagné la bataille de Rocroy ? », etc. Enfin, il y a la mémoire épisodique qui est celle de tous les évènements de son existence depuis la naissance.
On sait, mais on ne connait pas les mécanismes de mémoire/savoir. Si on veut raisonner sur le savoir, il faut tenir compte de ces données.


Pour ce qui est de l’enseignement, il y a un mouvement chez les éducateurs qui voudrait réhabiliter l’apprentissage implicite, c’est-à-dire que la simple exposition à quelque chose, par exemple à une langue étrangère, fait que l’apprentissage est automatique. Mais si on n’a pas appris les règles de grammaire ça ne sert strictement à rien.


On a évoqué un débat qui est très virulent dans l’éducation : « savoir » versus « compétence ». Vous avez les novateurs qui disent : «  l’école doit donner des compétences », et les « anciens »  qui disent : « mais pas du tout, surtout pas.., on va se mettre au service du grand capital. A nos élèves on va leur transmettre un savoir, avec l’idée de transmission comme quelque chose d’absolument essentiel », ce à quoi, personnellement, je ne crois pas du tout. Parce que cette histoire de transmission est un vieux rêve des religions révélées. Le maître est l’héritage du prêtre. C’est quelqu’un qui dit avoir été en contact avec Dieu et on transmet.


Je pense qu’aujourd’hui on peut très bien apprendre des tas de choses par soi-même sans médiateur, sans transmetteur.


Revenant à l’informatique, c’est un domaine où il y a énormément de savoir. Je prépare un ouvrage sur mon philosophe favori (Auguste Comte) et je trouve là aussi bien des sources * Je ne vois pas pourquoi il n’y aurait qu’un savoir humain qui serait inimitable par des moyens techniques…


(* Par exemple, à partir du site de notre Café-philo, on peut, par le lien, accéder directement au document de la Bibliothèque Nationale de France)

 

 

    
(A SUIVRE)

 

 

Avec l'aimable autorisation des animateurs, 

extraits de restitution d'un débat du café-philo

http://cafes-philo.org/

avec lequel je garde un lien privilégié

en tant qu'un des artisans de sa création.


 

 

Publié dans culturels

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