Regards philosophiques (119)
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Thème :
« Faut-il manger pour vivre
ou vivre pour manger ? »
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Débat :
► Parmi les repas on peut citer l’exemple du repas d’Ésope qui, pour servir ce qu’il y a de meilleur et de moins bon, a servi chaque fois de la langue, car elle permet de faire du bien ou du mal.
► Dans l’expression du débat de ce soir, l’idée est aussi que l’on doit mettre dans sa vie de la mesure, de la tempérance. La question pourrait s’appliquer à l’accumulation des richesses, s’appliquer à ceux qui n’en n’ont jamais assez, qui lorgnent vers celui qui a un peu plus, les boulimiques de la fortune, les insatiables qui vivent tant pour s’enrichir qu’ils passent à côté de la vie. « J’ai réussi et j’en suis fier,/ au fond je n’ai qu’un seul regret ,/ j’fais pas ce que j’aurais voulu faire », dit la chanson Le blues du businessman [paroles de Luc Plamondon, musique de Michel Berger]. C’est vouloir, n’avoir pour but que d’être financièrement toujours plus gros, quitte pour cela à trahir ceux qui vous ont nourri, par exemple en s’exilant en Belgique. « Obélix, tu nous fais honte ! »
C’est la question de la prédominance de l’utile ou du nécessaire. Un homme, disait-on, qui a un lit, une table, et une chaise est un homme heureux. Celui qui a deux lits, deux tables, deux chaises, est-il deux fois plus heureux ?
C’est l’objet principal de nombre de philosophies, comme l’épicurisme qui enseigne la tempérance, la frugalité, la juste mesure épicurienne.
Dans la continuité de cette formule « Vivre pour manger, ou manger pour vivre ? », peut-être que Molière aujourd’hui, avec tout son talent et son humour, et devant cette folle croissance exponentielle, cette nécessité de croissance qui nous fait manger toutes les ressources de cette planète, poserait ainsi la question : « Faut-il consommer pour vivre, ou vivre pour être consommateur ? »
N’aurions-nous que ce rôle d’homo oeconomicus, manger, ou plutôt consommer toujours plus ? La formule de Molière revisitée correspond à une option économique un peu folle qui
nous dit que plus nous aurons d’offre, plus il y aura de consommation, ou manger toujours plus pour pouvoir manger. Cela est aussi futé que de tuer la poule pour avoir les œufs et, sur
le plan de la société, c’est créer une crise sans pareil. S’il s’agissait d’une farce de Molière, on pourrait en rire, mais ce n’est pas une farce.
Alors, à l’approche des fêtes, et au-delà, allons-nous être les dindons de la farce, ou la farce du dindon ?
► Je répondrai d’abord à la première partie de la question : « manger pour vivre »
Indépendamment des nécessaires calories qu’il nous faut absorber pour
maintenir notre organisme en bon état, les moments où l’on mange sont des moments privilégiés.
Ils satisfont d’abord un besoin.
Mais les repas aussi ont un rôle particulier. Il n’y a qu’à voir les repas d’affaires, où se traitent des négociations, les repas de famille, les repas de fêtes ou les repas et les banquets professionnels, politiques ou associatifs, ou même les repas « aux chandelles » en amoureux…
Dans les différentes cultures, le repas est important :
- Dans le christianisme : de nombreux repas sont mentionnés dans l’Évangile et prennent une valeur symbolique : les noces de Cana, le repas de Jésus chez Zachée le collecteur d’impôts, la Cène et le repas dominical de la messe, où on partage le pain et le vin, qui sont les symboles du corps et du sang de la vie. Mais aussi la dinde de Noël ou l’agneau de Pâques, de façon plus profane.
- Dans l’Ancien testament et dans le judaïsme aussi, les repas sont très importants : la manne qui tombe dans le désert quand le peuple a faim, les prémisses des récoltes et les agneaux aux herbes sauvages au printemps après une période de restrictions, ou encore tout ce qui touche à la cacherout, le vin du Kaddish ou les repas de Shabbat… Et tout ce que l’on fait pour les fêtes dans le judaïsme.
- Dans l’Islam, on trouve le mouton de l’Aïd-el-kébir que l’on partage et toutes les pâtisseries et repas que l’on prépare aussi pour les fêtes. Et la façon Hallal de préparer les viandes.
- Dans le bouddhisme, le disciple se promène toujours avec son bol.
- Les crémations en Indonésie sont toujours accompagnées de victuailles et d’un grand repas.
- Dans l’Egypte ancienne, des repas et des offrandes sont servis aux morts pour qu’ils continuent à vivre dans l’au-delà.
- Dans la franc-maçonnerie et le compagnonnage, les trois maîtres sont le père Soubise, Salomon et aussi Maître Jacques pour les métiers de bouche avec les créations de chefs d’œuvre par les meilleurs ouvriers et artisans de France…
extraits de restitution d'un débat du café-philo
avec lequel je garde un lien privilégié
en tant qu'un des artisans de sa création.