Regards philosophiques (121)
Article précédent : Regards philosophiques (120)
Thème :
« Faut-il manger pour vivre
ou vivre pour manger ? »
4
Débat :
► Dans la question, j’ai vu différents angles. L’angle philosophique, comme nous l’avons vu avec l’épicurisme, l’angle culturel à travers les pratiques, l’angle économique à travers les moyens financiers, des aliments de bases aux aliments de luxe, l’angle humanitaire, celui de la faim dans le monde et de la malnutrition.
Ce qui m’a intéressée dans ces quatre approches, c’est l’angle humanitaire, c’est-à dire qu’une partie des hommes mange trop, d’autres mangent mal, d’autres ne mangent pas du tout. L’alimentation, on l’a évoqué, détermine les regroupements sociaux, la forme des sociétés et leur organisation.
La nourriture est nécessaire pour le plaisir ; elle chasse l’anxiété. C’est aussi la plus intime des relations, de toutes les formes de consommation. Il faut convenir que l’aliment n’est pas seulement le carburant qui permet de vivre, mais qu’il doit aussi être adapté à chacun, suivant ses goûts et ses ressources.
Par ailleurs, on a évoqué le rituel de l’eucharistie que j’appelle la communion, laquelle consiste à partager symboliquement la chair et le sang du Christ, la seule manière de partager à proprement parler, la même nourriture, à condition de croire, bien entendu.
Sur le plan économique, l’alimentation est l’un des principaux marchés planétaires. Un psychologue, Kurt Lewin, a entrepris en 1943 des recherches en collectant des données empiriques pour essayer de répondre à la question de savoir pourquoi on mange ce qu’on mange ? Il va nommer son étude : « La théorie des canaux », c’est-à-dire, qu’il va chercher les chemins par lesquels les aliments venaient sur la table familiale ; dans son étude, il tient compte du rôle stratégique du gardien de passage, rôle tenu en général par la mère de famille. Il se met en devoir d’analyser les facteurs psychologiques qui influent sur la personne qui contrôle les canaux. Il constate qu’il y a deux dimensions : dimension cognitive, et dimension de motivation. Il analyse également les classes sociales et culturelles, et ce qui constitue l’ordre des comestibles dans une société considérée et les aliments appropriés à cette culture, aliments spécifiques souvent. Dans le cadre de la motivation, il cherche les valeurs qui sous-tendent le choix des aliments, que ce soit : argent, santé, statut social.
Depuis quelques années, il y a un essor des recherches sur l’alimentation. Cet essor est lié d’une façon paradoxale à l’abondance. Malgré cette abondance, il y a encore de nombreuses personnes qui meurent de faim. Dans le monde, il y a deux milliards de personnes qui souffrent de malnutrition, dix-huit millions qui meurent chaque année de faim, et parmi les pays riches, comme la France, le Canada, les États-Unis, il existe des pauvres qui ne peuvent pas se nourrir correctement. Quinze millions d’enfants meurent chaque année, soit de faim, soit qu’ils ne mangent pas assez, soit parce qu’ils mangent trop, soit qu’ils mangent mal.
Dans le domaine de l’alimentation, les valeurs ne sont pas respectées entre les hommes, et, là, on rentre dans le domaine politique, et c’est un autre débat.
extraits de restitution d'un débat du café-philo
avec lequel je garde un lien privilégié
en tant qu'un des artisans de sa création.