Regards philosophiques (124)
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Thème :
« Faut-il manger pour vivre
ou vivre pour manger ? »
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Débat :
► On a fait l’apologie du banquet, du festin. Evidemment que c’est un moment privilégié, mais la nourriture je m’en méfie quand même ; la nourriture actuelle, souvent industrielle, me fait quand même peur. Ceci parce que les industriels n’ont qu’une idée, produire le plus possible au moindre coût, avec des ajouts de colorants, de conservateurs, d’huile de palme, tout plein de choses pas très bonnes pour la santé. On voit aussi les animaux destinés à l’alimentation qui sont élévés en batterie et auxquels on donne des produits pour qu’ils grossissent le plus vite possible. Quand on voit tout cela, on n’a pas tellement envie de manger de la viande.
Dans nos pays occidentaux, on a une nourriture plus ou moins mauvaise. On a, pour beaucoup, des racines paysannes : on mangeait ses propres produits, des produits de qualité, des légumes
frais, on tuait le cochon. Une nouvelle tendance commence à émerger dans les jeunes générations, où certains se remettent à faire leur jardin potager, à acheter autrement ; ils ont envie
d’une nourriture plus saine. Ils ont compris les risques de cette industrialisation après des catastrophes comme “la vache folle”. Il y a une prise de conscience.
► Texte de Michèle:
« Voici que l’on étend la nappe blanche. Les gestes sont précis, rapides. Il faut que tout soit beau et quasi la perfection. De sublimes assiettes bien tournées de la plus grande à la plus petite. Et voici les verres scintillants de brillance, également des plus petits aux plus grands. On frotte les couverts pour qu’ils soient irréprochables, et on n’oublie pas tous les petits accessoires : fourchettes à huitres, pinces à escargots, supports de couteaux. Il est temps de faire le pliage des serviettes, de déposer quelques bougeoirs, des dessous de plats. On décore la table avec des pommes de pin, couleur or, couleur argent. Quelques branches de houx, quelque figurines, des anges. Et puis, pour finaliser une poussière d’étoiles. Il est bientôt l’heure de passer à table pour fêter tous ensemble un Noël enchanté. »
►
Entre nécessité et art de vivre, quelle place occupe la nourriture chez chacun de nous ?
Quelle place est-elle appelée à avoir dans les décennies à venir ?
Il revient à ma mémoire les grands repas à la ferme, lors des battages, des vendanges ou des mariages, qui duraient parfois trois jours et où des femmes n’arrêtaient pas de cuisiner. Je revois ces tablées : des roulés au jambon farcis de macédoine de légumes luisants sous leur gélatine. Des produits de la ferme : le jambon sec, le saucisson, des terrines et pâtés, des rillons…, puis sortant du four des plaques pleines d’escargots qui embaument l’ail et le persil. Puis viennent les viandes en sauce, veau, lapin… Les miches de pain défilent ; à chaque fois les assiettes sont saucées « à propre » ! (Nous serions déjà au bicarbonate !) C’est alors que venaient rôtis d’oies ou de dindes, entourés de pommes de terre, champignons. Nous, les enfants, nous donnions un coup de main pour aller tirer du vin à la cave. Les convives avaient autant de vigueur à table qu’au travail ; sans mollir, ils enchaînent sur le fromage frais à la crème double, les mokas maison au chocolat, les tartes aux fruits.
Aujourd’hui, des cousins qui sont céréaliers en Seine-et-Marne exploitent 300 hectares à deux. Ils sont équipés d’une moissonneuse-batteuse lieuse avec cabine insonorisée, radio,
téléphone… Quand vient l’époque de moissons, la nuit, le mari moissonne ; le jour, sa femme prend le relais. En 48 heures, ils ont fait le travail de deux journées de labeur de 20 à 30
personnes et ils se font livrer des pizzas. Out ! La convivialité qui s’ensuivait. Out ! Le lien social ! « La table est entremetteuse d’amitié », dit
le proverbe. Manger ensemble est un acte social. ! Est-ce que le progrès est un frein au bonheur ?
extraits de restitution d'un débat du café-philo
avec lequel je garde un lien privilégié
en tant qu'un des artisans de sa création.