Regards philosophiques (13)
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« Culture pour tous, au-delà des apparences ? » (4)
La culture peut être parfois considérée par certains comme inutile, superflue.
Témoignage (anecdote) : Chaque matin, en allant marcher au bord de la mer, je voyais un homme avec des feuillets à la main, lisant tout en marchant. Les gens du pays, avec qui il ne communiquait pas, pensaient qu’il était un simplet : « Il lit sûrement toujours la même feuille ; c’est un « bobo », un idiot ! », disaient-ils. Puis, le hasard a voulu que je fasse connaissance avec cet homme, lequel avait en fait plusieurs doctorats, dont un en philosophie, ayant fait sa thèse sur Schopenhauer. Expliquant à une personne du pays qu’il était sûrement le plus cultivé de nous tous, cette personne me répond : « Mais non ! Si à cinquante ans il étudie encore, c’est bien la preuve que c’est un idiot ! »
Platon dit dans Le Banquet : « Les ignorants ne tendent pas davantage vers le savoir, ni ne désirent devenir savants. Mais c’est justement ce qu’il y a de fâcheux dans l’ignorance, alors que l’on est ni beau, ni bon, ni savant, on croit l’être suffisamment.»
La culture, le savoir, cela peut être subversif et être interdit, comme ça l’était pour les esclaves; il ne fallait pas leur apprendre à lire et à écrire, car cela aurait pu leur donner l’idée de se révolter. Nous nous souvenons aussi comment les peuples ont été tenus dans l’ignorance, dans l’obscurantisme, au cours des siècles.
La culture n’est pas un atout primordial dans le marché du travail. Aujourd’hui, il faut des compétences ; les grandes écoles font moins de place à la culture. Par exemple, l’histoire est menacée.
De plus, la culture peut être utilisée pour « créer la standardisation des comportements de consommation » (Bernard Steigler) et vendue comme un produit par une chaîne de télévision, ce qui va permettre de « vendre » en même temps « du temps de cerveau humain disponible » (Patrick Le Lay. TF1). En outre, est-ce que les moyens de la communication immédiate comme Internet ne défavorisent pas une demande de culture chez les plus jeunes ?
On a évoqué : culture générale et culture spécifique. Comment apprécier la littérature, la peinture, la sculpture, ..., si on n’a pas les références culturelles nécessaires ? Si l'on n'a pas lu Homère, Don Quichotte, quelques œuvres de Balzac, de Victor Hugo, ... ? Etant enfant, on m’a fait connaître tout d’abord les fondamentaux littéraires, l’Iliade, l’Odyssée, la chanson de geste, ..., ce qui peut dégoûter de lire. On voit aujourd’hui le peu de gens qui lisent. Devenu parent, j’ai préféré initier en faisant lire en périphérie d’abord, puis se rapprocher ensuite des fondamentaux. Si ce n’est pas toute la culture, c’est là dans ces écrits que se trouve le maximum de nos références culturelles et l’écrit embrasse presque tous les arts.
On peut se méfier d’un certaine « boboïsation », c’est-à-dire une tendance étroite et sélective de la culture. Je verrais plutôt la culture comme un corpus. Est-ce qu’on peut dire que les hommes qui ont peint « Lascaux » n’étaient pas cultivés ? Depuis quand serions-nous cultivés ? La société de l’écriture est relativement récente dans l’histoire de l’humanité. On a parlé d’Homère, mais ça m’étonnerait qu’il ait su écrire ! C’était un « aède », c’était une société de l’oralité, donc à l’époque il y a des gens cultivés qui n'écrivent pas. Il se peut que l’écrit ait réduit la culture d’une certaine façon, puisque dans l’oralité il faut beaucoup plus travailler sa mémoire.
La culture est aussi responsabilité de tous, c’est déjà aux parents de donner le goût, l’envie de connaître, et d’accompagner l’enseignement. C’est effectivement dommage que bien des gens pensent que la sphère économique n’en a pas besoin, cela est un danger !
(A suivre)
extraits de restitution d'un débat du café-philo
http://cafephilo.over-blog.net/
avec lequel je garde un lien privilégié
en tant qu'un des artisans de sa création.