Regards philosophiques (130)
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Thème :
« L'argent mène-t-il le monde ? »
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Débat :
► Je citerai deux strophes d’un poème du 14ème siècle, où cette question du rôle de l’argent était déjà présente :
L’argent est un puissant seigneur. (Poderoso señor Dinero)
Il fait beaucoup l’argent, c’est pour cela qu’il faut beaucoup l’aimer
Il fait l’idiot, intelligent - il en fait un homme respectable
Il fait courir le boiteux, - et le muet se met à parler
Même celui qui n’a pas de mains voudrait le saisir
…………………..
En résumé je vais vous dire, pour vous faire mieux comprendre
Que l’argent dans ce monde est un grand agitateur
D’un seigneur il fait un serf, et d’un serf il fait un seigneur
Toute chose en ce siècle se fait pour son amour.
(Arcipreste de Hita. 1283 ?/ 1350 ?)
► Dans une émission le 14 octobre 2011 sur FR 5, « L’argent, nouveau dieu ? », le philosophe et historien Emmanuel Todd expliquait que : « L’argent n’existe que si il y a un État » et « qu’un des délires de l’époque est de croire qu’il existe tout seul ». Il ressort en substance de ses propos que : les grandes masses monétaires qui se gèrent en pilotage automatique mettent en danger même, l’économie de base, et dans les moindres échanges.
Il me semble, que le vide idéologique de ces dernières décennies a laissé place, à un seul projet de société partagé par un nombre grandissant, « faire de l’argent », réussir, vivre comme les « people », ces nouveaux héros de nos sociétés occidentales, fréquenter des endroits très chers, des lieux exotiques et réservés, exhiber les grandes marques pour marquer son appartenance et sa fortune, c’est le métarécit moderne, le modèle véhiculé par nombre de « story telling ». Notre société actuelle, sans projet réel pour les peuples, en panne de futur est souvent qualifiée de « société présentiste ».
► Que mettons dans ce mot « le monde»? L’argent mènerait-il tous les individus? Et quelle est la marge de manœuvre des individus?
Dans l’usage de l’argent, heureusement, comme cela a été dit, qu’on peut s’en servir pour faire du bien, en donner : faire du mécénat, et même corriger les usages abusifs, les comportements égoïstes, comme n’avoir de l’argent que pour l’accumuler. Il peut y avoir de l’argent généreux ; c’est par exemple celui des impôts, celui qui sert à payer les services publics, à pourvoir à la solidarité, à l’aide publique…
L’argent se défini par l’usage qu’on en fait, bon usage, mauvais usage. Et quand on voit les sommes que gagnent quelques hauts dirigeants, est-ce bien raisonnable ?
►L’argent n’est ni bien, ni mal, ni moral, ni immoral, à nous, avons-nous dit, de lui donner un sens. Ce qui me choque aujourd’hui c’est de voir que l’argent, l’argent/capital est de mieux en mieux rémunéré, et que le travail est de moins en moins rémunéré.
► Si vous demandez à des gens dans la rue le nom de personnes ayant eu un prix Nobel, ils n’en connaissent pas. En revanche, ils connaissent des noms de gens très riches, de footballeurs milliardaires. Vous avez des gens qui ne sont pas motivés par l’argent, comme les médecins urgentistes, les médecins « sans frontière », ils gagnent très peu en regard de ce qu’ils donnent, l’argent ne les guide pas.
►Poème envoyé par Jean-Pierre P., et dit par Hervé.
L’argent
Quand on parle d’argent, ça semble aller de soi,
Il nous semble évident, c’est du chacun pour soi.
Nous parait indécent, de devoir dévoiler,
D’où nous vient cet argent, prétendument gagné.
L’argent est un outil, nécessaire chaque fois
Qu’il nous parait urgent, de sortir de chez soi.
Pour aller acquérir, soit de bien se gaver,
Soit de bien se vêtir, et de pouvoir payer.
Le troc est révolu, car bien trop compliqué
D’échanger une laitue contre un steak haché.
Au niveau du commerce des amours tarifées,
Aucun désir ne perce, que cela puisse changer.
L’argent domine le monde, de multiples façons,
Entraînant dans la honte, pouvoir et corruption.
Contre un beau billet vert, sur certains continents,
L’individu espère, être riche un instant.
Que dire du loto, du sulfureux quinté,
Qui pousse les gogos, à toujours s’endetter.
Que dire de la bourse, ce piège à double fond,
Qui très souvent nous pousse, à brader nos actions.
Au moment attendu, de payer les impôts,
Nous sommes tous cocus, cocus bien comme il faut,
A l’exception de ceux, dont l’évasion fiscale,
Offre le choix radieux, d’un asile tropical.
Argent je te déteste, mais j’ai besoin de toi,
Tu représente peste et plaisir à la fois.
Je ne sais pas comment, pouvoir me passer,
De ton fil tranchant, toujours prêt à blesser.
extraits de restitution d'un débat du café-philo
avec lequel je garde un lien privilégié
en tant qu'un des artisans de sa création.