Regards philosophiques (2)
« Choisissons-nous notre vie ? » (suite 2)
Pour pouvoir choisir sa vie il faut d’abord être libre, être en bonne santé, manger à sa faim, naître dans une démocratie. Quelle vie choisit la petite fille de six ans vendue par ses parents pour aller dans un bordel, comme dans certains pays pauvres. Est-ce qu’elle a choisi sa vie ?
Il y a effectivement des conditions où l’on ne peut pas choisir sa vie dans sa globalité. Pourtant, où qu’on soit, quel que soit l’endroit, quelles que soient les circonstances, on est amené à faire des choix à chaque instant. Quelles que soient les conditions, il faut toujours parier sur le fait que les gens ont un petit bout de liberté qui leur permet de décider d’un certain nombre de choses.
On ne peut pas évacuer que c’est un luxe de se poser cette question. Nous avons souvent eu dans nos cafés-philo un ami africain qui nous a dit « C’est une question de ventre plein ! ».
Les gens ont tous en commun dans le patrimoine de l’humanité ce qui s’appelle les droits de l’homme. Donc, on peut être en situation extrême au plan individuel, mais, sur le plan philosophique, chacun conserve la possibilité d’avoir une dignité et une attitude personnelle qui fait qu’on peut choisir dans certains cas de ne pas se laisser dégrader. Par ailleurs, il nous faut différencier la nécessité, la contingence et la position philosophique qui fait que l’homme pense au-delà des contingences. Dans les camps de concentration, dans des conditions extrêmes, il y a eu ceux qui ont su témoigner, partager et remonter le moral des autres et se comporter de façon remarquable dans des conditions où il aurait été possible de renoncer et de démissionner.
Au Brésil, par exemple, les terres sont accaparées pour faire des biocarburants, ce qui chasse les petits paysans, ceux qu’on nomme « les sans terre », qui finissent par grossir la pauvreté dans les favelas. Ce paysan n’est pas un homme qui choisit pour lui-même, c’est quelques hommes qui font des choix politiques pour lui. Que pouvons-nous faire pour que chaque homme, chaque femme, soit libre de ses choix ?
Quand les droits individuels élémentaires n’existent pas, droit de se loger, de se nourrir, de se soigner, droit à l’enseignement, on ne peut pas parler de choix. Il faut, pour évoquer ce mot « choisir », le contexte environnemental. Qui choisirait de mal vivre ? D’être pauvre ? D’être ignorant ?
Si je regarde en arrière, bien sûr, j’ai choisi une voie, mais aujourd’hui je peux me demander si je reprendrai cette même voie. Mais ce choix était dans une autre époque, alors je pèse et le choix me convient. Je ne crois pas ceux qui prétendent avoir fait seuls tous leurs choix ; il y a les autres, les conditions du moment, tant de données, on ne maîtrise pas tout.
Choisir c’est décider, c’est dire oui ou refuser ; ça peut être difficile ; cela peut être : ne pas
admettre, ne pas adhérer, ne pas accepter des conditions qui ne conviennent pas. C’est une chance de pouvoir choisir, c’est une malchance de ne pas pouvoir dire non, d’être obligé de subir.
Faire ses choix, ce n’est pas séparer travail et culture, plaisir et connaissance, amour et obligation sociale ; si on arrive à concilier tout cela, alors on peut dire qu’on a la chance de
pouvoir choisir. Choisir pas toujours en connaissant toutes les causes, mais pour le moins avec la possibilité de ne pas douter de son propre choix, de faire confiance à l’avenir, et voir si on
a eu raison de faire ces choix.
Avec l'aimable autorisation des animateurs,
extraits de restitution d'un débat du café-philo
http://cafephilo.over-blog.net/
avec lequel je garde un lien privilégié
en tant qu'un des artisans de sa création.