Regards philosophiques (3)
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« Choisissons-nous notre vie ? » (suite - 3)
On est gouverné par notre inconscient ; même avec tous les atouts, on fait des mauvais choix répétés. Je suis frappée de voir les mêmes personnes refaire, reconduire les mêmes erreurs, comme dans des choix amoureux.
Chaque être humain utilise en principe son intelligence, réfléchit à ce qui lui semble bien, ou mal avant d’agir, bien ou mal pour lui : « Dans tout homme il y a une tendance qui le porte à développer sa vie même aux dépens des autres et à étendre sur eux sa domination » (Nietzche). Dans notre vie il y a des choses que nous choisissons et d’autres que nous ne choisissons pas : comme naître dans telle famille, tel pays, tel milieu social ; nous ne choisissons pas notre physique, ni nos gènes. Par contre, il nous appartient de faire le choix de ce que nous voulons devenir, d’aller dans un sens plutôt que dans un autre et de comment agir pour y parvenir. La vie n’est pas figée de la naissance à la mort ; on n'est jamais exactement sur le même chemin. Enfant, on imagine : je voudrais être ceci ou cela ! Puis, il faudra prendre des décisions, exercer sa volonté. Parfois, l’adolescent peut se sentir pris au piège de son milieu, de sa famille ; il veut échapper au piège, partir, oser, se pousser, prendre des risques, puis assumer pour réussir sa vie et, si les choix sont bons, un jour il entendra : « Toi, tu as de la chance ! »
L’individu est fait des circonstances, des contingences, qui jalonnent sa vie. Le chemin de la vie est fait de nos désirs, de nos envies, mais il subit les contraintes de la réalité. Il est aussi le résultat de ces choix lors de circonstances, le résultat de milliers de choix; choix parfois importants, choix parfois a priori anodins, mais toujours avec une conséquence, comme un « effet papillon ». Avec ces milliers de petites bifurcations, ce sera pour chacun notre chemin de vie. Ce que nous sommes, ceux que nous fréquentons, le fait d’être là ce soir à converser ensemble, tout cela n’est que le fruit du hasard, le hasard d’avoir vu une annonce, une affichette qui parlait du café-philo, sujet qui ne nous intéresse pas par hasard, donc être là ensemble n’est pas totalement le fruit du hasard. Dans un café-philo précédent sur le thème « La vie est-elle un roman? », je retrouve : « Cette histoire qui s’écrit en la vivant, nous en sommes acteurs, mais aussi auteurs, et notre histoire dépend en grande partie de notre aptitude à orienter notre vie, à oser ouvrir nous-mêmes de nouveaux paragraphes, et cela dépend aussi de la fantaisie dont chacun a besoin dans sa vie ». Cette histoire-là nous l’écrivons, mais cela ne se fait pas sans cas de conscience, car, parfois, choisir, c’est quitter. Il y a des choix déchirants, des engagements qui bouleversent, qui engagent au-delà de soi-même ; ce sont des instants charnières de nos vies. Et puis chacun de nous, regardant en arrière, fait encore des choix, choix inconscients parfois, entre ce que nous aurions choisi ; on retrace le chemin, on choisit presque son passé !
Choisir c’est difficile, difficile au point que parfois on fait tout pour ne pas choisir ; on se situe alors dans le non-choix, qui est une forme de choix. C’est quand on a envie de ne pas se positionner, car choisir a sa part d’arbitraire. Quant à nos choix de vie, à chaque instant on est devant un choix, le faire ou ne pas le faire? Parfois, on fait seulement pencher la balance du côté du moindre mal ; ce sont des choix par économie de souffrance. On ne choisit pas le bien, l’idéal, la perfection, le mieux à chaque instant; ce qui n’empêche pas parfois de faire des choix sensationnels et d'autres plus timides. Pour être en mesure de faire ses choix, il faut aussi travailler sa liberté, l’exercer. Aujourd’hui, en revoyant mon parcours, je me sens plus en accord avec mes choix. Avec le temps, je choisis de plus en plus ma vie.
Plusieurs citations de philosophes répondent pour partie aux dernières interventions : « Quand nous disons « l’homme est responsable de lui-même », nous ne voulons pas dire que l’homme est strictement responsable de sa propre individualité, mais qu’il est responsable de tous les hommes, ainsi notre responsabilité est beaucoup plus grande que nous pourrions le supposer, car elle engage l’humanité entière » (Jean-Paul Sartre. L’existentialisme est un humanisme. 1946). Ou une autre approche, celle de Montaigne : « Etre libre et décider de son existence, c’est être libre de réaliser ce que la vie nous détermine à être. La vraie liberté, c’est pouvoir toutes choses sur soi ». Ou ce que nous dit Spinoza dans Ethique, quant à notre réelle liberté et autonomie de choix : « Les hommes se trompent quand ils se croient libres ; cette opinion consiste en cela seul qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés ».
(A suivre)
Avec l'aimable autorisation des animateurs,
extraits de restitution d'un débat du café-philo
http://cafephilo.over-blog.net/
avec lequel je garde un lien privilégié
en tant qu'un des artisans de sa création.