Regards philosophiques (32)
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Thème : « L'espérance, folle idée ou consolation ? »
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Introduction : Après la lecture du sujet, j’ai envie de répondre : « ni l’un, ni l’autre ! »...
Espérance : mot féminin : attente confiante de quelque chose. Ou : objet de cette attente. Synonymes : espoir, attente, confiance, expectative, promesse… L’espérance, pour moi, est une attitude métaphysique qui consiste à attendre qu’un souhait auquel on tient particulièrement se réalise. C’est une attitude tournée vers l’avenir qui, par définition, nous est inconnu et peu assuré et qu’on espère favorable… C’est pourquoi, de tous les temps et dans toutes les grandes civilisations, l’espèce humaine s’est tournée vers les dieux comme tout-puissants et capables de combler leur espérances. Ce qui nous laisse une source infinie de richesses intellectuelles et culturelles. Pour avancer dans la vie, on est en permanence tourné vers l’avenir ; faire des projets, c’est déjà espérer, depuis le désir matériel le plus immédiat jusqu’à l’expérience la plus spirituelle des fins eschatologiques. (Eschatologique : Qui traite de la fin du monde, de l’homme, de la résurrection, du jugement dernier, selon le Petit Robert).
Pour moi, l’espérance est liée au désir, et le désir au sens large est lié à l’amour, et tout cela touche à l’énergie vitale disponible en chacun. Le principe même de la vie est basé sur l’espérance : espérance de durer, du lendemain, de se reproduire, de perpétuer l’espèce, et simplement de jouir d’être vivant, sans compter les idéaux collectifs, politiques, religieux, humanitaires, scientifiques ou tout autre.
L’espérance a tellement été utilisée dans le vocabulaire que les athées ont tendance à s’en méfier comme d’une chose appartenant à une pensée magique surnaturelle. Loin de moi cette pensée. L’espérance, pour moi, est l’attitude nécessaire qui permet de croire en demain, de s’engager, d’agir, de désirer aussi, car quel serait notre désir, si l’on n’espérait pas au moins en retour une certaine gratification par sa réalisation ? Et puis l’espérance nous oblige à nous servir de « nos lobes orbito-frontaux », c'est-à-dire de notre imaginaire et de tout ce qu’il contient, car comment espérer sans imaginer un objet ou un futur ? Dans l’épreuve aussi, l’espérance des jours meilleurs est souvent tout ce qu’il nous reste (incendie, inondation, deuils, maladie avec l’espérance de guérison, camp de prisonniers, espérance de durer après la mort – vie éternelle...). Citons quelques espérances : celle de paix en temps de guerre, de nourriture en période de famine, de naissance, de changement politique, de bonheur pour ses enfants et ses proches, de gagner de quoi vivre correctement, d’aimer toute sa vie… L’espérance a même donné lieu pour les rationnels à une définition mathématique : on a tenté de quantifier statistiquement l’espérance avec une formule calculant la probabilité qu’un évènement advienne. Donc, pour les accros des sciences stricto sensu et les philosophes matérialistes, on peut même vérifier que l’espérance est une réalité qui se quantifie de zéro à un (pour un évènement réalisé) et pas seulement une « folle idée » ou « une consolation ». Je crois que le fait même que nous soyons vivants et réunis ce soir prouve que nous espérons. Pourquoi viendrons-nous à ces soirées philosophiques, si nous n’espérions pas au moins qu’elles stimulent notre réflexion ? L’espérance, pour moi, biologiste de formation, est une attitude vitale, une attente que nous avons par rapport à la vie. Tous les jours, j’espère… quelque chose et en absolu. On fait parfois la différence entre l’espoir (de quelque chose de défini) et l’espérance comme attitude métaphysique liée au principe même de la vie et tournée vers quelque chose que l’on ne connaît pas, même si on peut essayer de le concevoir mentalement. L’espérance, c’est un pari sur le futur…Maintenant, l’espérance est-elle chargée positivement ou peut-elle être chargée négativement ? Est-elle morale ou pas ? Je laisse cette question ouverte, même si, pour moi, elle est plutôt connotée d’un désir positif, du côté de la vie, de la satisfaction du désir. Je voudrais juste pour finir transmettre quelques citations :
« La plus haute forme de l’espérance, c’est le désespoir surmonté » (Georges Bernanos).
«Ceux qui ont beaucoup à espérer et rien à perdre seront toujours dangereux» (E. Burke)
« Il ne faut pas désespérer Billancourt » (Jean-Paul Sartre).
(A suivre)
extraits de restitution d'un débat du café-philo
http://cafephilo.over-blog.net/
avec lequel je garde un lien privilégié
en tant qu'un des artisans de sa création.