Regards philosophiques (33)
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Thème : « L'espérance, folle idée ou consolation ? »
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Débat :
/ On doit pouvoir distinguer ce qui ressort de l’espérance de ce qui ressort de l’instinct. L’espoir d’avoir des enfants, c’est de l’instinct maternel, chez les hommes comme chez les animaux ; l’espoir de vivre, c’est aussi l’instinct ; ce qu’on évoque alors, c’est la force de la volonté qui est aussi instinct ; le corps veut en dehors de l’esprit.
/ Si l’espoir est le fait d’espérer, l’objet d’un désir, l’espérance c’est le chemin sur lequel on s’engage pour aller vers le but espéré ; c’est surtout quand on espère un peu longtemps que l’espoir devient espérance. Les auteurs grecs Homère et Hésiode ont considéré l’espérance comme une attente rationnelle de l’à-venir, connaissance fiable du futur ; pour d’autres, d’après eux, ce serait plus une attente confiante, une presque certitude de la réalisation d’un souhait ; c’est une option résolument optimiste. C’est plus tard, avec les théologiens, les Pères de l’Eglise, qu’elle deviendra une vertu liée à la croyance.
Alors, ou bien l’espoir et l’espérance sont le principe, processus naturel, un moteur qui va permettre d’aller vers la réalisation de nos désirs, voire les plus fous, ou, ils ne sont qu’une consolation, « le songe d’un homme éveillé», une simple « béquille » à la triste réalité ? Le mythe de Pandore nous dit comment l’espérance nous fut donnée. Et, n’y a-t-il pas plusieurs façons d’interpréter le mythe ? « Pandore céda à la curiosité et ouvrit la boîte, libérant ainsi les maux qui y étaient contenus. Elle voulut refermer la boîte pour les retenir... trop tard ! Seule l'Espérance, plus lente à réagir, y resta enfermée » ; nous entendons que la boîte contenait les maux, ainsi l’espérance était un des maux parmi les autres.
L’espérance qui dure peut créer la désespérance, c’est ce que nous retrouvons dans la langue espagnole ou « espérer » et « attendre » s’exprime avec le même mot, ce qui fait : « de tanto esperar, y tanto esperar, me despero » (De tant espérer, et de tant attendre, je me désespère). « Quelle belle langue que celle qui confond l’attente et l’espoir » (André Gide. Journal. 1932)
/ Est-ce que ne se fier qu’à l’espérance ne tue pas l’action ? Des prisonniers se sont évadés, ils ne sont pas nourris que d’espérance. L’espérance seule ne mène à rien si la volonté n’est pas là…
/ Mais l’espérance n’est pas un concept vide, mais un concept plein.
/ C’est parce qu’on espère qu’on va se mettre en action. Il y a deux interprétations du mythe de Pandore. Dans la première, il se rapproche du mythe d’Adam et Eve, c'est-à-dire que l’espérance a été donnée aux hommes pour grandir, pour progresser, et, en cela, l’espérance qui est restée dans la boîte, c’est ce qui permet d’affronter les épreuves. L’autre interprétation dit que le mot grec « Elpys » aurait été mal traduit, c'est-à-dire que ce serait l’attente de quelque chose de mauvais, l’attente du malheur. Le fait que ce mal soit resté dans la boîte, qu’il ne soit pas parvenu aux hommes, lui ôte cette attente désespérée de sa mort. On espère toujours des choses meilleures, on évite ainsi de penser à ce qui serait moins bon ; ne pas souffrir par avance, par l’attente des maux. Pandore a été donnée aux hommes par Zeus, en quelque sorte la première femme fabriquée par Héphaïstos dans la glaise, puis épousée par le frère de ce dernier, Epiméthée.
/ Pandore a été donnée aux hommes comme punition, pour se venger de Prométhée qui leur avait donné le feu. La femme est donc la punition de l’homme !!! [Tollé dans la salle]
/ On a évoqué, espoir et volonté, ce dont nous parle Sénèque : « Lorsque tu aura désappris à espérer, je t’apprendrai à vouloir »
(A suivre)
extraits de restitution d'un débat du café-philo
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avec lequel je garde un lien privilégié
en tant qu'un des artisans de sa création.