Regards philosophiques (40)
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Thème : « A-t-on raison d'avoir peur ? »
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/ La peur est un sentiment de forte inquiétude génératrice d’angoisse, pourtant : « La peur ne fait pas reculer le danger..... » Pour l’existentialisme l’angoisse est une expérience fondamentale à travers laquelle l’homme peut appréhender le sens de son existence dans ce monde et face au néant. La peur est une émotion ressentie généralement en présence d’un danger et parfois même simplement dans sa perspective. Certaines peurs peuvent être surmontées. Cette aptitude à diminuer sa peur (voire, la vaincre) et ainsi à gagner du courage est un processus de maturité qui se poursuit toute notre vie.
Si nous n’avons pas forcément « raison » d’avoir peur, nous avons souvent « des raisons » d’avoir peur.
/ La peur peut être individuelle ou collective. Sa nature peut être d’origine : familiale, économique, écologique, scientifique… La peur semble naturelle et universelle, c’est son intensité et sa gestion qui peut poser « problème » chez un individu ou un groupe d’individus.
/ La peur a des natures différentes mais quelle qu’elle soit, elle génère : une appréhension, une crainte, une angoisse....une panique individuelle et/ou collective.
Certaines peurs sont appelées « Phobies » : La peur d’un animal, (une araignée, un reptile, une souris....). La peur de voyager en avion. La claustrophobie (peur de prendre un ascenseur, d’être enfermé dans le noir). Et certaines peurs sont liées à la méconnaissance d’un sujet, et à ses éventuels effets secondaires: la peur du progrès et des nouveautés qu’il induit, la peur du lendemain, la peur de ne pas être à la hauteur d’une situation.., et parfois la peur de l’étranger......
/ On a peur de ce que l’on ne connaît pas, de ce que l’on ne sait pas, peur de ce qu’on ne peut pas exprimer, nommer…
/ Primo Levy écrivait que dans les camps, face à trop d’horreur on s’anesthésie pour survivre et mettre en sourdine ses peurs. La peur c’est aussi ce qui risque d’arriver et pas ce qui est arrivé.
/ Quand on ne sait pas de quoi on a peur, c’est là qu’on le plus peur.
/ Dans les troubles de comportement alimentaire, comme l’anorexie, chez certains malades il y a la peur de productions internes et de l’imaginaire. Il faut introduire un élément extérieur qui sera accepté et qui ne fera pas peur…
/ La peur avons-nous dit était présente chez les hommes préhistoriques, et cette peur les a amenés à trouver des solutions ? La peur peut être positive. Au cours des siècles la peur a revêtu diverses formes : les ennemis, la souffrance, l’au-delà…, ce qui a stimulé des réactions. Avoir eu peur permet de trouver des réponses en soi et de réagir positivement.
/ La peur est tour à tour, raison et déraison, rationnelle et irrationnelle. La peur est d’abord instinctive, car elle est une manifestation première, un réflexe qui échappe tout d’abord à l’intellect. La peur est une de nos émotions. Instinctivement lorsque nous sommes en danger, avant que l’information soit arrivée au cortex, analysée, la chimie du corps, le physiologique se met en route. En fait devant le danger qui nécessite la fuite, le cœur envoie immédiatement le sang vers les muscles inférieurs pour améliorer la course, ou vers les membres pour préparer à la lutte. Dans les parties supérieures du corps dont le visage, les veines ne reçoivent plus de sang, d’où cet effet, « il a pâli », « il est devenu blême ». Il y a choc émotif, l’esprit émotionnel est plus rapide que l’esprit rationnel. Autrement dit, l’intellect, la raison n’y sont pour rien. C’est la volonté, le vouloir vivre qui conserve sa suprématie. C’est peut-être l’animalité qui sauve l’humain. C’est peut-être grâce à cet instinct que les premiers individus se sont préservés en milieu hostile, qu’ils ont développé le genre humain, c’est grâce à cette aptitude à avoir peur que nous existons. Mais dans certains cas nous savons qu’elle peut aussi nous paralyser : « Tantôt elle nous donne des ailes aux talons. Tantôt elle nous cloue les pieds et les entrave » nous dit Montaigne. La peur est tellement une réaction physique que les expressions populaires en reviennent souvent au physique : on connaît les expressions avoir les foies, les avoir à zéro, serrer les fesses, faire dans son froc, avoir le trouillomètre à zéro, avoir la peur au ventre, et il y en a sûrement d’autres.
Plus sérieusement, si nous pouvons louer la peur, souvent elle est l’objet de moquerie, de raillerie, de jugements sévères. Par notre tempérament nous sommes plus ou moins courageux, plus ou moins pusillanimes, lâches, ou tout simplement peureux. En face de la peur qui a une mauvaise presse, une mauvaise connotation, nous mettons, nous opposons le courage ! Ah, le courage, l’autre côté de la médaille !
Les cimetières sont pleins de gens qui n’avaient peur de rien, autrement dit, si je suis conscient, j’ai peur d’être distrait en conduisant, j’ai peur des autres voitures, j’ai peur du radar, et ainsi cette peur fait que j’ai une conduite prudente, la peur devient une alliée utile, et là c’est raison que d’avoir peur.
(A suivre)
extraits de restitution d'un débat du café-philo
http://cafephilo.over-blog.net/
avec lequel je garde un lien privilégié
en tant qu'un des artisans de sa création.