Regards philosophiques (56)

Publié le par G-L. P. / J. C.

 

Article précédent : Regards philosophiques (55)

 

 Thème :

« Faut-il continuer d’enseigner les classiques à l’école? »

Débat à la suite de la projection du film : « Nous, princesses de Clèves »

 

 

Lafayette

Madame de Lafayette. Estampe, Bibliothèque nationale de France

 

1

 


Introduction :

 Après cette projection du film : « Nous, princesses de Clèves », nous allons entamer un débat qui n’est pas sans rappeler celui du café-philo de l’an passé après la projection du film : « Le hérisson » et dont le thème était : « Culture pour tous au-delà des apparences ». En effet, autour de culture, on ne peut pas s’empêcher de se poser la question, oui, mais pour quel public ? Et se demander comment faire pour qu’un public toujours plus important et plus ouvert accède à toujours plus de culture, et qu’elle devienne la chose au monde la mieux partagée. Car il nous importe qu’elle soit toujours de plus en plus partagée quelle que soit l’époque, le lieu, ou l’âge de la vie.

Et maintenant, il nous faut répondre à cette question :

« Faut-il continuer d’enseigner les classiques à l’école ? »

 

Débat :

   

Je pense que ce film pose clairement une question évidente : Est-ce qu’à l’école on y est pour passer son bac ? Ou est-ce qu’on est là pour acquérir une culture ? C’est une question qui a deux réponses. On est là pour passer son bac, bien sûr ! C’est l’instrument nécessaire. Mais on est là aussi parce qu’on va acquérir quelque chose qui en dehors de n’importe quel examen vous restera pour toute la vie. Les gamins que vous avez entendu tout à l’heure, ont montré qu’ils ont apprécié l’œuvre de « La princesse de Clèves » et qu’ils se sont posé des questions, des tas de questions sur leur propre vie. Ils ont appris à réfléchir en situation.

   

Qu’appelle-t-on un classique ? Dans son origine latine, l’adjectif « classique » évoque « ce qui est excellent dans sa classe ». Un ouvrage ancien (d’Aulu-Gelle) parle, « d’écrivain classique » par opposition à « écrivain prolétaire » ; il poursuit : « Est considéré comme classique un ouvrage ou un auteur dont l’œuvre appartient à une culture supérieure ». Déjà on voyait cette idée de culture supérieure ; on va y revenir.  Une œuvre classique est ce qui est considéré comme digne, apte, nous dit-on, à former les esprits, et donc choisie en cela pour figurer au programme de l’enseignement des lettres. C’est l’ouvrage d’un auteur célèbre qui va rester une des références de son époque, un des sommets artistiques dans son art, en l’occurrence, la littérature. C’est, dit-on, un texte de toujours, un texte  intemporel. Les œuvres classiques  sont sorties de ce clivage des « Anciens contre les Modernes», puisque les œuvres romantiques font maintenant partie de nos classiques. Une œuvre classique est une œuvre qui, quels que soient le lecteur et l’époque, soulèvera toujours la même émotion, le même enthousiasme. C’est en cela un lien intergénérationnel, lien entre un auteur souvent depuis longtemps disparu et celui ou celle qui le découvre.  C’est un lien qui se crée avec celui qui nous fait découvrir l’œuvre, avec celui qui joue ce rôle de passeur de l’essentiel de notre culture. Les classiques ne sont pas que des textes anciens et rébarbatifs, car parfois ces textes anciens gardent une étonnante modernité.

Plus près de nous que la querelle des anciens et des modernes, nous avons eu, il y a peu, la déclaration d’un ex-professeur d’IUFM  de Lyon, Philippe Mérieux, déclaration dans le droit fil de certaines politique  ultralibérales, quand ce n’est pas d’extrême-droite ; je vais m’en expliquer. Son propos, qui différenciait les aptitudes des élèves de milieux modestes de ceux de milieux plus aisés, était : « Les enfants des classes populaires peuvent très bien apprendre le Français dans des notices d’utilisation » (Source : Chrétienté info, journal en ligne). Pour ce monsieur, les enfants des catégories dites « populaires » étaient inaptes à accéder à certaines études, à certaines connaissances. Dans cette ligne de massification de la société, il suffisait qu’ils apprennent à lire, à écrire, à compter, pour devenir de bons petits soldats de la consommation. En principe, cette orientation,  nous dit Hannah Arendt, c’est aller vers une « macdonaldisation de la pensée ». Trop les éduquer pourrait, c’est vrai, leur inculquer l’esprit critique. Quand je dis que ces méthodes sont proches de l’extrême-droite et que c’est une vieille lubie de la droite réactionnaire,  je fais référence à ce général du dictateur Franco, Millan Astray, qui développait ces attaques contre la culture et ses dangers,  qui déclarait la guerre à l’intelligence avec ce slogan : « A bas l’intelligence ! ». Franco fustigeait les intellectuels, qu’il nommait « les enfants de Molière ». Je précise toutefois que la défense de la culture, comme la défense des classiques, peut transcender les opinions politiques, qu’il y a des gens qu’on classe à droite et qui sont d’ardents défenseurs de la culture pour tous.

Alors, sans exclure des œuvres plus modernes,  qu’est-ce que cela peut apporter de connaître, d’étudier les textes classiques ?

 

 

(A suivre)

 

Avec l'aimable autorisation des animateurs, 

extraits de restitution d'un débat du café-philo

http://cafes-philo.org/

avec lequel je garde un lien privilégié

en tant qu'un des artisans de sa création.


 

 

    

 

 


Publié dans culturels

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article