Regards philosophiques (57)

Publié le par G-L. P. / J. C.

 

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 Thème :

« Faut-il continuer d’enseigner les classiques à l’école? »

 

Débat à la suite de la projection du film : « Nous, princesses de Clèves »

 

 

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Pour moi, les classiques, c’est l’histoire de la nature humaine qui est écrite avec des mots choisis, c’est une morale héroïque. Lire du classique, c’est vouloir sortir de soi, ouvrir une fenêtre et rencontrer autre chose, et peut-être même se rencontrer avec soi-même. Parce que, comme on l’a vu dans le film, ça amène au questionnement. Il y avait des réponses que trouvaient les jeunes, des réponses réfléchies, puis il y avait des réponses toute faites, celles des parents.

   

Lire les classiques, c’est aussi réfléchir à notre histoire  Les classiques à l’école, c’est beaucoup la littérature française. Pour réaliser ce travail, il fallait un (une) professeur absolument convaincu(e) ; le résultat est probant.

   

Cela illustre bien comment ces jeunes gens assimilent cette histoire de France. L’une des élèves, qui paraît d’origine africaine, dit « mes ancêtres » ; sa sœur lui dit : « Ce ne sont pas tes ancêtres » ; « C’est ma culture ! », lui répond-t-elle. Elle nous dit, nous rappelle qu’il faut une base, des références culturelles pour se construire.

   

Souvent des personnes d’origine étrangère, je pense particulièrement à nos amis africains de langue française, connaissent mieux notre langue, nos classiques, ont un profond respect pour tout ce qui est de notre culture.

   

L’interrogation sur ce sujet me paraît intéressante dans la mesure où les classiques ça paraît figé. On voit dans ce film que la découverte de cette œuvre classique amène à une réflexion, voire même des réflexions qu’on n’attendait pas de ces jeunes gens.

   

Je pense que la culture est un tout et qu’on n’a jamais fini de l’approfondir. On ne peut pas l’amputer d’une partie de ce qui la fonde. Comment pourrait-on décider d’amputer la culture ? Supprimer les classiques, sous prétexte que cela ne serait pas adapté à tous, au nom de différences d’appartenance sociale, n’est pas acceptable. Donc, il me paraît important de toujours continuer d’enseigner les classiques à l’école. C’est une culture basée en partie sur l’histoire et où l’on a besoin de connaître ces références pour se construire. On ne réinvente pas tout à chaque génération ; on doit s’appuyer sur des apports « classiques »qui viennent de nos prédécesseurs.  Sans cela, on ne pourrait pas évoluer, ou alors que de façon anarchique. Tout ce qu’on enseigne à l’école est essentiel : on ne pose pas la question pour d’autres matières (Doit-on enseigner les Mathématiques? ou la Musique ?). C’est cette pluridisciplinarité  qui amène à l’éveil, à l’ouverture d’esprit, qui permet de s’ouvrir et de s’intéresser ultérieurement à plein d’autres choses. Dans un programme scolaire bien établi, et pour tous, on a une garantie d’étude, d’entente mutuelle, de conscience collective.

   

Ce qui a donné l’idée de ce débat, c’est une émission sur France Inter : « Service public » d’Isabelle Giordano. Dans cette émission, quelqu’un posait cette question intéressante : « Quelles sont les 30 œuvres classiques qu’on devrait absolument avoir lues ? » Chacun de nous peut se livrer à l’exercice de la sélection. On a vu dans ce film des acteurs en puissance et comment ils vivent ce qu’ils disent ; ils arrivent à apprendre des textes par cœur, avec toutes les intonations, respectant chaque ponctuation ; c’est un moment de bonheur. On sent que le travail sur ce texte les amène à une réflexion  pour les aider à sortir de ce qu’ils peuvent ressentir comme un carcan, surtout pour les jeunes filles qui parlent de « la police familiale » ; c’est alors comme une évasion. Il y a là en parallèle avec l’œuvre, la tradition dans les familles qui est l’équivalent de la vertu pour la princesse de Clèves, et il y a là la vie qui s’ouvre devant eux, la vie avec ses promesses, la vie qu’elles voudraient vivre.

   

J’ai entendu dans ce débat : « Pourriez-vous sélectionner un nombre d’œuvres littéraires, classiques qu’il faudrait connaître ? ». Je pense qu’il suffit d’un seul texte quand celui-ci réussit à toucher les élèves. Dans toute ma carrière à enseigner les lettres, mon but était celui-là : faire toucher du doigt, amener à la question : « Qu’est-ce que l’art ? », « Qu’est-ce que c’est un  chef-d’œuvre ? » ou « Qu’est-ce que littérature ? ». Si un jour vous avez trouvé ça, alors, tout seul, vous allez à la recherche des autres chefs-d’œuvre.

 

 

 

 

(A suivre)

 

Avec l'aimable autorisation des animateurs, 

extraits de restitution d'un débat du café-philo

http://cafes-philo.org/

avec lequel je garde un lien privilégié

en tant qu'un des artisans de sa création.


 

 

Publié dans culturels

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