Regards philosophiques (66)

Publié le par G-L. P. / J. C.

 

 

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Thème:

« Pourquoi, quand, et comment s’indigner? »

 


 

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Débat (suite) :

 

 

Dans l’indignation, il y a une dynamique, voire même une certaine violence ; tout à coup on a l’impression qu’il faut que cela éclate ! La coupe déborde ! Il y a extériorisation. On peut le faire tout seul, chez soi, en jetant la télé par la fenêtre ! On peut se promener dans son quartier et voir partout des incivilités, mais c’est juste râler, critiquer. L’indignation, c’est autre chose : il faut qu’elle soit porteuse de sens et moteur d’action.

   

On s’indigne de l’intervention de la France en Libye. Pour moi, c’est la non-intervention qui est indigne ; c’est : « Silence, on tue ! ». Quelqu’un qui ne s’indigne jamais de sa vie est comme un esclave qui accepte son esclavage. C’est dans la nature humaine de s’indigner. On s’indigne dès l’enfance, on se révolte… Dans une classe d’élèves (13/14 ans), j’ai posé la question : « Quelle est la dernière fois où vous avez dit : c’est injuste ? » Et là, ça fusait de toute part. Ce qui nous indigne est souvent personnel, mais cela peut être collectif, tel que dans une entreprise sur les conditions de travail, de salaire, ou les conditions de ceux qui n’ont pas de logement ; la liste est longue.

   

L’indignation part d’une notion de seuil de tolérance. Il y a un état de fait, on considère que ça doit être comme ça ! Ou alors, on réagit ! L’indignation, c’est positif, parce que ça implique que les autres existent, qu’on n’est pas tout seul. Je suis très sensible à la perversion de cette notion d’indignation. Il y a des indignations professionnelles, vertueuses, où on s’indigne parce que ça permet de se sentir mieux, de se sentir meilleur. On s’indigne parce que ça montre aux autres comment ils doivent faire. La deuxième forme de perversion de l’indignation, ce sont les indignations sélectives. Si on est capable de s’indigner, c’est par rapport à un idéal, une certaine conception, donc, ça ne peut pas être sélectif. Et si, à un moment donné, les raisons de l’indignation vont à l’encontre d’intérêts personnels, on doit être quand même capable de s’indigner. Quand on met la morale en avant, alors il faudrait intervenir partout. De fait, on ne peut pas dire que s’indigner, c’est forcement bien.
Jusqu’ici, on a surtout développé le côté positif de l’indignation. Il y a des indignations scandaleuses, par exemple, le ségrégationnisme. On a vu des blancs s’indigner qu’un noir entre dans un endroit réservé aux blancs. Dans sa vision du monde, le noir était indigne, c’était presque un acte criminel.
Finalement, s’indigner, c’est assez facile, c’est à la portée de tout le monde ; et après qu’on s’est indigné, qu’est-ce qu’on fait ?

   

Quand il n’y a pas d’indignation, il peut alors y avoir tolérance, laxisme, résignation : tout cela ne mène à rien.

   

Il a des indignations de façade. Je m’indigne et puis je passe à autre chose. J’aimerais voir la carte d’électeur de tous ceux qui s’indignent, voir s’ils ont tous le cachet de chaque vote !
« Chacun est convaincu de la valeur de son indignation. » (Dixit émission de France Inter)
Trouvez votre motif d’indignation : aujourd’hui c’est la guerre et le droit d’ingérance.  La guerre est bonne pour l’un, mauvaise pour l’autre.
S’indigner, c’est bien, mais j’aime aussi l’expression soyez dignes, soyer dignes de vous en ajustant vos actions à vos propos.  » Seule l’action dévoile notre conception de vie […] toute réflexion qui ne mène pas à l’action est vaine.  » (Dixit, notre Café-philo du 11 février 2009 : « Philosopher est-ce s’engager ? »)

   

On a évoqué l’indignation comme exutoire ; ça fait du bien, ça libère un peu de bile, ça contient l’ire, c’est une thérapie… Ce soir, on va pouvoir ajouter en annexe au livre de Monsieur Stéphane Hessel « Indignez-vous ! », un paragraphe entier qui sera le catalogue de toutes nos indignations. Elles sont diverses, variées, grandes et petites. Une de mes dernières indignations (à mettre au catalogue), c’est un discours, celui du chanoine de Latran qui met en opposition l’enseignement laïc et l’enseignement religieux, et qui nous dit que : « …dans la transmission des valeurs […] l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur »; (Discours du Président de la République française à Rome le 20 décembre 2007). Cela a indigné de nombreuses personnes qui voient là un mauvais procès à la laïcité, à un principe inscrit dans la Constitution.

   

Si vous vous indignez et que vous n’avez pas d’écoute, à quoi cela sert-il ? Il y a les petits, les sans-noms, ceux qu’on n’entend pas…

   

Ce qui m’interpelle et parfois m’indigne, c’est l’individualisme des gens, c’est la lâcheté.
Vous trouvez de moins en moins de personnes qui acceptent de témoigner lors d’une agression, et, s’il n’y a pas de témoin, l’assurance ne marche pas. Ce qui m’indigne, c’est qu’on peut être poursuivie pour avoir réprimandé un élève. On ne se sent pas libre…

   

Aujourd’hui, on peut se regrouper autour de ses indignations, il y a des réseaux sociaux, plein de relais ; ce fut le cas par exemple pour la révolte du jasmin en Tunisie….

 

  

(A suivre)

 

Avec l'aimable autorisation des animateurs, 

extraits de restitution d'un débat du café-philo

http://cafes-philo.org/

avec lequel je garde un lien privilégié

en tant qu'un des artisans de sa création.


 

 

Publié dans culturels

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