Regards philosophiques (7)

Publié le par G-L. P. / J. C.



Article précédent : Regards philosophiques (6)

 

« A-t-on encore la capacité de s’étonner ? » (2)


 L’étonnement est une nécessité pour accéder à la connaissance. On a besoin de s’étonner pour qu’il y ait questionnement, pour appréhender et tenter d’expliquer de façon rationnelle ou pas tous les aspects du réel. L’étonnement est le principal moteur de toutes les propriétés cognitives. Chacun va trouver de l’étonnement dans les domaines les plus variés. Partout il y a matière à s’étonner. Sainte Thérèse d’Avila  disait : «  Vous trouverez Dieu au fond de la casserole » ! Du plus prosaïque au plus sublime, du plus ordinaire au plus extraordinaire, tout peut être source d’étonnement.

 

Les enfants, qui s’étonnent beaucoup, posent toujours la question : « Pourquoi » ? La réponse univoque des parents est souvent : « Parce que !». Ils expliquent jusqu’au moment où ils sont à court ou lassés et ils en reviennent au « Parce que ! », puis plus rien ; l’autorité parentale vient de résoudre un problème et ce qui peut nous nous étonner sera le « Parce que ! ». Un étonnement, finalement, c’est l’interrogation qui amène normalement à poser une question.

 

L’étonnement, disons-nous, est propre aux humains, mais voici mon témoignage : J’avais recueilli un chien à la SPA et, pour un voyage, j’avais du le confier à un chenil. Le jour où je suis allée le rechercher, le chien, qui jouait, tout à coup m’a vue ; il s’est arrêté un moment, comme très surpris, son regard marquait l’étonnement, peut-être pensait-il qu’il ne me reverrait pas,  puis il a couru vers moi. Cette image est toujours présente. C’est lui qui m’a étonné !

 

            Le « comment » : c’est ce dont nous parlent tant Platon qu’Aristote, puisque c’est origine et source de curiosité, puis d’étude. Et voilà que l’on creuse les « pourquoi » : on rentre dans l’infinie série des causes, en faisant parfois cette erreur que dénonce le philosophe : « Des causes semblables nous attendons des effets semblables » (Hume, dans l’Enquête sur l’entendement humain). Ce que nous savons depuis Epicure, par exemple avec la déclinaison des atomes, c’est qu’il y a, à un moment donné, une divergence, un imprévu, un étonnement qui crée quelque chose de différent, qui fait prendre aux évènements une autre direction. Heureusement qu’il y a ces étonnements, sinon nous serions dans une société figée, scientifiquement comme intellectuellement.

 

             L’étonnement semble lié à la propension à s’émouvoir. Il y a des tempéraments froids, stoïques, que rien ne surprend ; il y a parfois des personnes blasées, que rien n’étonne, qui peut-être se protègent ainsi des émotions. C’est même une philosophie figée, égocentrique, de détachement, « l’apathie » que préconisent  les stoïciens, autrement dit : prendre l’habitude de recevoir d’accepter les choses comme elles arrivent, d’accepter ce destin, car il est inscrit dans un ordre naturel. La philosophie taoïste nous appelle aussi à refuser l’étonnement, à un certain détachement en regard de ces situations exceptionnelles de la vie. A moins que ce soit pur manque de réaction, pure passivité, inaptitude au singulier, par esprit moutonnier. Mais nombreux sont ceux qui sont réactifs. Nous sommes des Latins, avec ce qui nous caractérise, la propension à l’émotion, à l’étonnement ; autrement dit, cela fait partie de notre spécificité, cela nous rend, certes, réactifs, mais cela nous rend aussi créatifs, ce qui fait que nos émotions, nos étonnements sont aussi  une source de la culture.

 

 

Avec l'aimable autorisation des animateurs,

extraits de restitution d'un débat du café-philo

http://cafephilo.over-blog.net/

avec lequel je garde un lien privilégié

en tant qu'un des artisans de sa création.


 

Publié dans culturels

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article