Regards philosophiques (70)

Publié le par G-L. P. / J. C.

 

 

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Thème :

« Peut-on dire,

quand on veut on peut ?» 

  

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  Débat :


►    Il y a plein de façon d’envisager le terme « pouvoir » et le terme « vouloir ». Si l’on dit : « je veux », ça peut être, « je souhaite » ou « je désire » ou « j’ordonne » ; cela peut être un caprice d’enfant. Il y a de nombreuses nuances. Il y a la part d’impulsion et aussi heureusement de la réflexion ; « je veux » et pour cela je construis mon vouloir pour pouvoir. Ce pouvoir a aussi des sens divers, comme  pouvoir maléfique, absolu, politique et n’être que promesse : « - Pouvez-vous le dire ?- Oui, je peux le dire ! – Bravo !  Il peut le dire, il est extraordinaire ! », et rien de plus (extrait du sketch « le Sar Rabindranath Duval » de Francis Blanche et Pierre Dac en 1957). Donc vouloir et pouvoir peuvent parfois rester lettre morte. Cela ne garantit aucune volonté d’action. De plus, a-t-on les capacités, l’autorisation, est-ce légal ? Est-ce moral ?

►    Nous avons un pouvoir décisionnaire qui consiste à faire reposer tout le système de normes sur une pure et simple décision d’autorité quand il s’agit du pouvoir personnel. Par exemple : si je suis assise à ma table de travail occupée à quelque chose d’urgent, et que tout à coup, je me dis : Tiens ! Il fait beau dehors, et je vais aller faire un tour. Ou alors, je me pose la question,  je vais faire un tour et reprendre mon travail après ; c’est déjà un début de réflexion. Et, troisième option, je reste à mon travail car je sais qu’il doit être terminé au plus vite ; donc j’ai réfléchi et j’ai pris en compte la finalité. J’ai résisté à cette volonté première, qui ressort de la spontanéité, sans réflexion sur les conséquences. La dernière option démontre une attitude réfléchie et analysée. Et cela reste un acte de liberté, faire ou ne pas faire, même si cette volonté se mesure en degrés…

►    Nous retrouvons très souvent ces cas de « volonté pulsion » contre « volonté raison ».

►    Les degrés de la volonté sont évidents ; le premier degré, c’est la velléité, et le dernier degré, c’est le dépassement. C’est par le dépassement que la volonté devient pouvoir, c’est-à-dire qu’il faut qu’il y ait un acte particulièrement hors du commun, ou particulièrement héroïque. Ce sont des exemples comme « La bataille de Fort Alamo ». Autre exemple, en médecine, les actes de folies où des gens sont capables de développer soudain une force physique inimaginable.
La révolte est également un passage de la volonté à « pouvoir ».

►    Cette volonté de dépassement, cette volonté de puissance, se retrouve dans la philosophie de Nietzsche. C’est celle du surhomme, laquelle n’est pas bien sûr de faire un homme d’une race supérieure, mais un homme apte à dominer son vouloir, affronter, refuser s’il le faut les volontés institutionnelles, temporelles comme intemporelles. C’est vouloir par soi-même, c’est  se rendre digne d’assumer sa propre volonté.
Pour Schopenhauer, qui est la grande référence philosophique de ce concept de volonté, avec  son célèbre ouvrage : « Le monde comme volonté et comme représentation » (1818), la volonté est la seule et unique force qui dirige l’homme. Elle est, la plupart du temps, plus forte que sa raison, quand elle ne l’asservit pas. La volonté, pour lui, est le malheur de l’homme, car il en est l’esclave.Alors que, pour Nietzsche, la volonté, c’est ce qui peut grandir l’homme, le transcender.

►    Il y 35 ans (environ), un fait divers nous parlait d’une petite femme de 40 kilos qui était arrivée à soulever une voiture pour dégager son fils. Elle a développé une force extraordinaire, elle est allée chercher au plus profond d’elle-même des forces qui ne lui appartenaient pas. On ne sait pas toujours de quoi on est capable. Des circonstances nous révèlent la puissance de la volonté.

►    Sur mes bulletins de note, il y avait toujours marqué : « Peut mieux faire ! », ce qui sous-entendait : si elle ne peut pas, c’est qu’elle ne veut pas ; c’est vraiment « une grosse feignasse ! ». C’est que quelque fois on voudrait bien, mais on peut point ; car ce qui s’oppose à la volonté, c’est la flemme. Je voudrais pouvoir parler du pouvoir de la flemme. Je suis souvent atteinte de crise de flémingite aiguë. Ce qui manque alors, c’est le coup de pied aux fesses !

►    « Quand on veut, on peut », avons-nous dit au départ ! Mais comment mesurer réellement nos possibilités. Comment pouvons-nous mesurer ce qui est dans nos aptitudes, ce qui est du domaine du possible, du réalisable ? Parfois, les individus se surestiment ; ils veulent, mais vont à l’échec. D’autres fois, ils se sous-estiment, ils n’osent pas et passent à côté de leur chance. Cela pose la question de la confiance en soi, laquelle confiance ne se décide pas d’un coup ; il faut un climat favorable, il faut surtout la confiance d’un autre, d’une autre, la confiance des autres ; c’est alors, plus, le « on » que le « je ». Souvent volonté et possibilité ne font pas le tandem utile. Et là, les échecs de nos désirs, de nos vouloirs, mêmes contrariés, nous construisent. C’est parce qu’on ne réussit pas à tous les coups qu’on apprend l’opiniâtreté, que nous persévérons. Cette volonté, qui tient sa source dans l’élan vital de la vie, peut être imagée par la plante, tel le rosier, dont les tailles sont nos échecs qui nous permettent de repartir de plus belle.
Heureusement, nous ne sommes pas jugés qu’en fonction de la réussite de ce que nous entreprenons. Hors le jugement de soi-même, nous sommes aussi jugés sur la volonté que nous avons mise en œuvre dans nos projets. « To do is to be», « Faire, c’est être », disent les Anglais. J’aime bien cette approche, car elle valorise l’homme en tant qu’acteur de sa propre vie et non pas exclusivement sur des résultats. « Nous sommes les choix que nous avons fait », philosophie existentielle, mais aussi et surtout de la volonté mise dans ces choix. Cesser de vouloir peut nous amener à dormir sous les ponts ; c’est le vouloir qui nous tient debout.
   

(A suivre)

 

Avec l'aimable autorisation des animateurs, 

extraits de restitution d'un débat du café-philo

http://cafes-philo.org/

avec lequel je garde un lien privilégié

en tant qu'un des artisans de sa création.


 

 

Publié dans culturels

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