Regards philosophiques (74)

Publié le par G-L. P. / J. C.

 

 

Article précédent :  Regards philosophiques (73)

 


Thème :

« Peut-on dire,

quand on veut on peut ?» 

  

6

 

  Débat (suite) :

   

  Pour Jean-Jacques Rousseau, dans « Du contrat social », le problème majeur est de fixer l’usage de l’expression « volonté générale ». Alors, c’est pour cela que lorsqu’on dit volonté collective, on rejoint volonté générale ; c’est sûr qu’il y a de la différence, et bien des différences, entre la volonté de tous et la volonté générale, la volonté de chacun et la volonté générale…  » Il y a souvent bien de la différence entre la volonté de tous et la volonté générale ; celle-ci ne regarde qu’à l’intérêt commun, l’autre regarde à l’intérêt privé, et n’est qu’une somme de volontés particulières : mais ôtez de ces mêmes volontés les plus et les moins qui s’entre-détruisent, reste pour somme des différences la volonté générale. » (Jean-Jacques Rousseau)

  La force de la volonté diffère suivant les individus, nous disposons de plus ou moins de vitalité. Chez les grands émotifs, à cause de l’embarras d’exercer librement leur volonté, ils se trouvent en difficulté. Chez les étourdis, les agités, leur défaut de réflexion et de concentration fait qu’ils ne sont pas capables de pouvoir agir comme ils le voudraient, de même que les hésitants et les irrésolus (tel l’âne de Buridan). La volonté s’éduque. La volonté à mon sens ne peut guère se séparer de l’intelligence, il faut savoir la cultiver : « Mon corps est un jardin, ma volonté est son jardinier. »
Apprendre à vouloir, apprendre à réfléchir, c’est aussi apprendre à fixer son attention, parce que l’étourderie, la dispersion sont néfastes à la volonté. Pour vouloir fortement, il est nécessaire de voir clairement le but que l’on veut atteindre, de se le représenter d’une façon concrète et de prévoir dans la mesure du possible les différents scénarios. Descartes précise dans ce sens : « D’une grande clarté dans notre entendement suit une grande inclination dans la volonté »

   Depuis le début de ce débat nous avons navigué entre volonté et pouvoir ou possibilité, et aussi réussite de ce qu’on a désiré. On fait un large tour des moyens, par degrés. Il en reste bien sûr d’autres, dont celui qui était latent dans l’affichette qui annonçait ce café-philo, puisque c’est une photo de Gandhi qui avait été choisie. Gandhi nous a montré qu’avec la persévérance (le jeûne, puis la prison), il a su chasser de son pays la force dominante qu’était l’Angleterre en s’opposant avec une volonté qui s’est avérée efficace,  « la non-violence » !

Texte/chanson :
[………..]
Je veux aller où je veux quand je veux en esquivant les frontières
Par tous les moyens nécessaires, ça m’est cher et je le ferai
J’irai où je le pense, partir, courir ou bien rouler
Où je veux, quand je veux, en esquivant les frontières
Y aller franchement, droit devant, ne plus reculer
Où je veux, quand je veux, m’en aller, rien ne peut nous freiner
[……..]
(Texte du rappeur Koma. Album Le Réveil)

Texte/chanson :
« T’as voulu voir Vierzon, et on vu Vierzon,
T’a voulu voir Vesoul et on a vu Vesoul
T’as voulu voir Honfleur et on a vu Honfleur
T’as voulu voir Hambourg et on a vu Hambourg
[……]
Mais je te préviens, j’irai pas à Paris
………..
(Vesoul. Jacques Brel)

  J’ai la volonté d’aider, de vouloir faire sortir une personne d’une situation difficile. Il m’arrive que la personne me dise : Oui ! Je veux bien ! Mais ensuite, elle ne fait aucun effort pour s’aider elle-même. Je veux pour cette personne et je ne peux pas vouloir pour elle. Vouloir pour les autres semble plus difficile que vouloir pour soi.
Vouloir à la place des autres, c’est mission impossible !

   Vouloir pour l’autre et échouer, c’est que nous rencontrons avec les personnes victimes d’addictions : alcool, drogues, tabac, etc. Ces personnes vous assurent qu’elles veulent arrêter, mais quelque chose comme une volonté négative, bien plus forte en eux, veut et prend le dessus…

  Notre volonté est aussi l’objet de nombreuses attentions. Attention de la part de ceux qui veulent nous vendre un produit, qui veulent nous vendre une idée. Autrement dit, nous pensons que dans nos choix nous exerçons notre volonté, alors que nous ne réagissons en fait qu’à des stimuli. Ce n’est pas un manque de volonté, puisqu’on le veut, mais c’est surtout céder « aux désirs qu’on nous infligent » et« qui nous affligent », comme dit la chanson (Foules sentimentales) d’Alain Souchon, et vous avez la liberté de vouloir ce produit, « parce que vous le valez bien ».  Pour les publicistes ce serait : notre volonté de vendre devient votre volonté d’acheter. C’est : exercez votre volonté, « cédez à vos envies » ; c’est plus compulsion d’achat que volonté.

Hier matin, sur France Info, j’entends que le commerce du luxe et particulièrement du grand luxe (palaces, jets, yachts…) est en progression de 30 à 40% suivant les secteurs. L’après-midi, sur France Inter, j’entends le sociologue rapporteur à l’ONU Jean Ziegler qui nous rappelle que toutes les cinq secondes un enfant de moins de 10 ans meurt de faim. Et nous avons eu pourtant, nous dit-il, la volonté de lutter contre la faim, nous avons créé des organismes, et, compte tenu de l’augmentation des richesses dont la radio me parlait le matin, cela me semble possible. Mais la volonté n’est pas réelle, puisque tous les pays développés laissent se pratiquer la spéculation sur les denrées alimentaires. Lorsqu’une famine arrive au Sahel, les cours du mil, du maïs montent en flèche, et, à la bourse de Chicago, c’est des milliards de dollars empochés. Il suffirait (rappelle-t-il dans son dernier ouvrage*) d’un acte de volonté de la Commission européenne pour interdire dès demain cette spéculation au niveau européen, pour interdire qu’on exporte des pays pauvres du maïs pour faire du carburant. Il faut 350 kilos de maïs pour un plein de voiture en éthanol ; cela peut nourrir un enfant pendant 10 ans. Si l’on veut, on peut sauver des milliers d’enfants, et faire ainsi qu’aucun enfant ne meurt de faim. En démocratie, nous dit Jean Ziegler : « Il n’est de réelle volonté du peuple qui puisse être empêchée ».

A la fin de ce débat entre nous, durant ces 90 minutes et en regard des chiffres évoqués, plus de 1000 enfants seront morts de faim.
[*Destruction Massive. Géopolitique de la faim. Jean Ziegler. Seuil. 2011]

 

 

 

 

(A suivre)

 

 

Avec l'aimable autorisation des animateurs, 

extraits de restitution d'un débat du café-philo

http://cafes-philo.org/

avec lequel je garde un lien privilégié

en tant qu'un des artisans de sa création.


 

 

Publié dans culturels

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article