Regards philosophiques (77)

Publié le par G-L. P. / J. C.

 

 

Article précédent :  Regards philosophiques (76)

 


Thème :

« Voir,

est-ce apprendre autrement ?» 

  

2

 

Débat  :

 

/ « Il faut écouter ce que disent  les yeux. »

 

/On sait les différences qu’il y a entre la perception par la vue en tant que sens et tirer l’enseignement de ce que l’on voit, d’une part, et, d’autre part, le sens abstrait de voir, qui est se figurer avec les visions de l’imaginaire et les représentations intérieures. Cela ne relève plus de la sensation, mais de l’élaboration de la perception. Et je pense à un œil célèbre, celui qui « était dans la tombe et regardait Caïn » (Victor Hugo), l’œil qui représente la conscience, ou la culpabilité possible, ce regard sur soi à partir d’une transgression.

 

/ Une jeune femme devenue aveugle après 30 ans avait conservé la mémoire visuelle. Visitant Venise avec des amis elle leur demandait de décrire ce qu’ils voyaient. Alors ils décrivent ce qu’ils voient. « Mais ! », dit la jeune femme aveugle, « vous ne parlez pas de la lumière, des contrastes, de la perspective… » Grace aux explications et aux détails qu’ils vont donner, ces derniers très vite se rendent compte qu’ils voient mieux, qu’ils détaillent mieux ce qu’ils voient, et que leur plaisir en est augmenté, ils voient autrement, presque enfin « pour de bon ». C’est là voir pour apprendre et apprendre pour voir. Déjà Jules renard nous disait : « Les aveugles nous apprennent à voir ». 

Ainsi de la parole, du questionnement philosophique, comme le questionnement de Socrate (la maïeutique). Pour expliquer aux autres, il nous faut faire toute la lumière dans notre esprit, concevoir, construire notre propos, et ainsi, en expliquant le plus clairement possible pour les autres, je m’explique encore mieux pour moi-même ; c’est apprendre à voir plus clair en soi. « On doit apprendre à voir, on doit avoir à penser, on doit apprendre à parler et à écrire : le but en ces trois choses est une culture noble – Apprendre à voir – habituer l’œil au calme, à la patience, au laisser-venir-à-soi : différer le jugement, apprendre à faire le tour du cas particulier et à le saisir de tous les côtés. Telle est la première préparation à la vie de l’esprit : ne pas réagir d’ensemble à une excitation… » (Nietzsche. Crépuscule des idoles)

Nous savons que pour faire comprendre, pour marquer les esprits, l’image vient souvent à notre secours. Pour cela, nous utilisons des images/symboles, des métaphores. Les métaphores nous donnent à voir, pour mieux fixer la pensée, les messages, l’idée générale de ce qu’on veut faire comprendre. Pour Jung, « un mot ou une image sont symboliques lorsqu'ils impliquent quelque chose de plus que leur sens évident et immédiat. Ce mot ou cette image ont un aspect "inconscient" plus vaste, qui n'est jamais défini avec précision, ni pleinement expliqué ».

De tout temps l’image a primé dans notre apprentissage. Avant les premiers alphabets, la transmission écrite utilise l’idéogramme pour donner à voir, à comprendre, et même mémoriser par l’image. Toujours les hommes ont utilisé l’image pour raconter, pour donner cette nourriture de l’imaginaire, image qui va sublimer le concept. Nous mettons si souvent des images sur des personnages que ne connaissons pas, et nous nous souvenons des idées avec leurs images. Les textes fondateurs, que ce soit Homère ou la Bible, les contes et légendes, les romans classiques, etc.,  véhiculent plein d’images : c’est tout notre magasin de textes et images. Si je pense à L’Odyssée, je vois, par exemple, Ulysse attaché au mât du navire pour ne pas céder au chant des sirènes ; si j’entends le mot avare, se superpose au mot l’image de la fourmi de la fable. Si je perdais la mémoire des images, la plus grande partie de ma mémoire s’effacerait et j’aurais désappris. 

 

/ J’ai une pensée pour tous les aveugles, dont ceux qui ne voient pas de naissance. Est-ce qu’ils sont mis en dehors de la connaissance? Apprendre et comprendre, ce n’est pas que par la vison ; d’autres sens permettent de saisir, de comprendre, concevoir et apprendre. La vision, qu’elle soit du cœur ou de l’esprit, est partie prenante dans les connaissances, même avec ses limites.

 

/ A chaque fois qu’un sens fait défaut, d’autres sens se développent pour sentir, apprendre autrement, comme pour compenser. L’aveugle dira au sourd : Tu vois les belles filles, mais tu n’entends pas comme moi la musique classique, que j’entends même mieux que les « voyants ».

 

 

 « Il faut écouter ce que disent  les yeux. »

 

/ On sait les différences qu’il y a entre la perception par la vue en tant que sens et tirer l’enseignement de ce que l’on voit, d’une part, et, d’autre part, le sens abstrait de voir, qui est se figurer avec les visions de l’imaginaire et les représentations intérieures. Cela ne relève plus de la sensation, mais de l’élaboration de la perception. Et je pense à un œil célèbre, celui qui « était dans la tombe et regardait Caïn » (Victor Hugo), l’œil qui représente la conscience, ou la culpabilité possible, ce regard sur soi à partir d’une transgression.

 

/ Une jeune femme devenue aveugle après 30 ans avait conservé la mémoire visuelle. Visitant Venise avec des amis elle leur demandait de décrire ce qu’ils voyaient. Alors ils décrivent ce qu’ils voient. « Mais ! », dit la jeune femme aveugle, « vous ne parlez pas de la lumière, des contrastes, de la perspective… » Grace aux explications et aux détails qu’ils vont donner, ces derniers très vite se rendent compte qu’ils voient mieux, qu’ils détaillent mieux ce qu’ils voient, et que leur plaisir en est augmenté, ils voient autrement, presque enfin « pour de bon ». C’est là voir pour apprendre et apprendre pour voir. Déjà Jules renard nous disait : « Les aveugles nous apprennent à voir ». 

Ainsi de la parole, du questionnement philosophique, comme le questionnement de Socrate (la maïeutique). Pour expliquer aux autres, il nous faut faire toute la lumière dans notre esprit, concevoir, construire notre propos, et ainsi, en expliquant le plus clairement possible pour les autres, je m’explique encore mieux pour moi-même ; c’est apprendre à voir plus clair en soi. « On doit apprendre à voir, on doit avoir à penser, on doit apprendre à parler et à écrire : le but en ces trois choses est une culture noble – Apprendre à voir – habituer l’œil au calme, à la patience, au laisser-venir-à-soi : différer le jugement, apprendre à faire le tour du cas particulier et à le saisir de tous les côtés. Telle est la première préparation à la vie de l’esprit : ne pas réagir d’ensemble à une excitation… » (Nietzsche. Crépuscule des idoles)

Nous savons que pour faire comprendre, pour marquer les esprits, l’image vient souvent à notre secours. Pour cela, nous utilisons des images/symboles, des métaphores. Les métaphores nous donnent à voir, pour mieux fixer la pensée, les messages, l’idée générale de ce qu’on veut faire comprendre. Pour Jung, « un mot ou une image sont symboliques lorsqu'ils impliquent quelque chose de plus que leur sens évident et immédiat. Ce mot ou cette image ont un aspect "inconscient" plus vaste, qui n'est jamais défini avec précision, ni pleinement expliqué ».

De tout temps l’image a primé dans notre apprentissage. Avant les premiers alphabets, la transmission écrite utilise l’idéogramme pour donner à voir, à comprendre, et même mémoriser par l’image. Toujours les hommes ont utilisé l’image pour raconter, pour donner cette nourriture de l’imaginaire, image qui va sublimer le concept. Nous mettons si souvent des images sur des personnages que ne connaissons pas, et nous nous souvenons des idées avec leurs images. Les textes fondateurs, que ce soit Homère ou la Bible, les contes et légendes, les romans classiques, etc.,  véhiculent plein d’images : c’est tout notre magasin de textes et images. Si je pense à L’Odyssée, je vois, par exemple, Ulysse attaché au mât du navire pour ne pas céder au chant des sirènes ; si j’entends le mot avare, se superpose au mot l’image de la fourmi de la fable. Si je perdais la mémoire des images, la plus grande partie de ma mémoire s’effacerait et j’aurais désappris. 

 

/ J’ai une pensée pour tous les aveugles, dont ceux qui ne voient pas de naissance. Est-ce qu’ils sont mis en dehors de la connaissance? Apprendre et comprendre, ce n’est pas que par la vison ; d’autres sens permettent de saisir, de comprendre, concevoir et apprendre. La vision, qu’elle soit du cœur ou de l’esprit, est partie prenante dans les connaissances, même avec ses limites.

 

/ A chaque fois qu’un sens fait défaut, d’autres sens se développent pour sentir, apprendre autrement, comme pour compenser. L’aveugle dira au sourd : Tu vois les belles filles, mais tu n’entends pas comme moi la musique classique, que j’entends même mieux que les « voyants ».

 

 

 


 

 

(A SUIVRE)

 

 

Avec l'aimable autorisation des animateurs, 

extraits de restitution d'un débat du café-philo

http://cafes-philo.org/

avec lequel je garde un lien privilégié

en tant qu'un des artisans de sa création.


 

 

Publié dans culturels

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article