Regards philosophiques (98)
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Thème :
« Pourquoi et comment
critiquer ? »
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Débat :
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L’esprit critique permet un contrôle et une réaction contre la crédulité naturelle. Il est un des
éléments essentiels de la science, c’est-à-dire ne pas accepter une assertion sans contrôle, sans l’expérience qui valide. Donc, c’est réagir ; ce n’est pas : « je sais tout,
j’ai raison ». Quant à « pourquoi critiquer ? », je vois là trois raisons : premièrement, critiquer pour quelque chose, avec raison, pour l’intérêt que l’on porte à la
chose, à une idée, un comportement, un concept, et enfin, déjà comprendre le sens qu’apporte cette chose comme avantage, ou comme inconvénient. La deuxième raison de la critique c’est qu’elle
permet d’ouvrir un dialogue qui va permettre de tenter d’admettre ou de rejeter une interprétation initialement adoptée. La troisième raison, qui est moins noble, est celle qui émane d’un
esprit trivial malsain qui utilise la critique dans l’intention de diminuer celui à qui elle s’adresse, pour nuire ou détruire. A ce sujet, on a parlé d’honnêteté intellectuelle ; pour
critiquer, il faut avoir une connaissance du sujet que l’on veut critiquer. Par exemple, s’agissant d’une personne qui n’a pas fait d’études de philosophie et qui aime participer à des débats
philosophiques, cette personne est obligée de faire des recherches, de préparer, de s’informer, ce qui n’est pas venir avec juste son texte sans écouter ; donc critiquer cette forme de
participation est une diatribe négative.
Revenant à la question « comment critiquer ? », je vois deux manières au moins, l’une positive, l’autre négative. La première qui consiste à donner son avis, un jugement
d’évaluation, ou de valeur qui n’engage que ses idées ou les goûts de celui qui s’exprime. Ce n’est pas parce que j’émets une critique que je suis absolument sûre d’avoir raison, et je ne
critiquerai pas pour démolir une personne, mais pour ouvrir un dialogue. Le cas négatif, c’est quand on critique dans le but d’avoir raison à tout prix, et qu’on réfute tous les
arguments ; cela se réduit au final à un monologue, il n’en ressort rien. Et sur « que doit-on, que peut-on critiquer ? », je ne peux m’exprimer et critiquer que sur un
sujet que je connais bien, que je maîtrise un peu.
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Revenant à la critique envers un enfant, lui dire que son travail est nul, c’est le démolir, c’est une condamnation. Il faut faire la différence entre un jugement critique et une condamnation. Les jugements critiques doivent se faire de personne à personne, sans témoin, sans avoir ensuite à supporter le regard des autres, ce qui peut nuire dans le développement de la personne. La première critique à faire, c’est son autocritique, on doit douter, on doit s’interroger tout le temps. Ne sommes-nous pas parfois, nous aussi, critiquables ?
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Ce sujet me rappelle un débat autour de « Comment, pourquoi s’indigner ? », en référence au texte de Stéphane Hessel « Indignez-vous ! » (publié en 2010), où l’on a l’impression à première vue d’un petit manuel « du bon usage » de la critique, qui définirait en quelque sorte les règles et les bonnes raisons de critiquer, on aurait là, le pourquoi et le comment, pas un catéchisme. Au final, cet ouvrage m’a laissé sur ma faim, car la critique, légitime ou pas, est un acte qui ne supporte pas le « béni oui- oui », ni des règles préétablies. Elle nécessite une étude plus approfondie qui transforme radicalement l’appréciation première du manuel. La critique s’adresse à des individus, un public. Le « pourquoi critiquer » met en relief aussi le danger de ne pas critiquer et de risquer de consentir à l’inacceptable. Ne rien dire, peut être ressenti comme consenti, « qui ne dit rien, consent ». Le « comment critiquer ? » suggère que nous devons préparer notre critique, consciencieusement, en choisissant bien ses mots, ses expressions, afin qu’elles soient acceptées par tous, et ainsi franchir des lignes de résistance, et que chacun la reçoive pour se protéger des influences extérieures, plus ou moins nocives.
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Je m’élève contre l’expression « Béotien », concernant celui qui critique sans savoir. Aujourd’hui, nous avons des tas d’experts qui nous assomment. Je connais « un Béotien » qui peut dire « ça, c’est beau ; ça, je le ressens ! » Il a le sens inné de ce qui est beau. La critique des Béotiens peut être pertinente.
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Les buts et motivations de la critique (cinéma, théâtre…..), peuvent avoir des motifs cachés ; cela peut n’avoir que des buts commerciaux.
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On peut parler aussi de la critique « de bouche à oreille », où la transmission se fait par ceux qui ont aimé, par exemple, un film, et le public fait alors parfois le succès de ce que les critiques autorisés éreintent.
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La question se pose du but de la critique, qui est parfois propagande, manipulation, publicité.
extraits de restitution d'un débat du café-philo
avec lequel je garde un lien privilégié
en tant qu'un des artisans de sa création.