Rigolus et les radars (2)
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Amédée toise Rigolus, en le croisant sur la rue principale d’Adé :
- « Tiens, comment ça va bien ?
- Je te remercie, Amédée ; en effet, je suis de très bonne humeur et ça va très bien.
- Je n’en doute pas une seconde, mais encore…
- Et bien, les panneaux annonçant les radars vont être supprimés. Quelle heureuse idée ! Finie, l’hypocrisie ! Reconnais, Amédée, que les automobilistes, lancés à toute vitesse, levaient le pied juste avant le radar annoncé, puis écrasaient la pédale à l’accélération, une fois passé le contrôle. On va enfin goûter à la tranquillité… Il n’y aura plus d’accidents de la route.
- Ça coûte quand même très cher de se faire pincer. L’amende devrait être encore plus élevée, d’après les infos ! C’est un outil plutôt répressif. Ceux qui sont riches n’auront pas de difficultés à payer les amendes. Le monde sera scindé en deux.
- C’est la seule condition pour que les chauffards rentrent dans le rang. D’autant plus que les avertisseurs du type « Coyote » vont disparaitre de la circulation. Ha ! Ha ! Ha ! Il n’y aura plus d’excès de vitesse.
- Il y aura donc davantage de retraits de permis. Ceux qui vivent de la route comme les chauffeurs routiers, les représentants de commerce ou les taxis vont avoir du mal, il me semble !
- Non, il faut simplement être RAI SO NNA BLE. J’aime quand la vie est paisible, coule comme une rivière… Nous allons nous retrouver sur une planète modèle.
- Oui, Rigolus ; tout de même, chaque être est, je crois, unique et différent ; tu ne peux donc pas gérer toute la population comme si elle était semblable à un troupeau de moutons du Val d’Azun ! C’est une hérésie.
- Et pourquoi pas ? Panurge est dépassé depuis longtemps aujourd’hui ! Les gens vont croire à cette idée bénéfique pour eux.
- Rigolus, sois sérieux une minute, est-ce que tu tiens compte de la puissance des moteurs d’aujourd’hui ?
- Ça, c’est le progrès, la modernité ; il ne faut pas tout mélanger, mon ami. L’économie mondiale créée des objets de consommation de plus en plus pointus. C’est normal ! Nous n’avons aucune limite en matière de création économique.
- Je reste persuadé qu’il y a là, contradiction. En outre, reconnais, Rigolus, que certaines portions de route ne représentent pas le moindre danger, tout en étant bridées à 50 km/h, alors que d’autres mériteraient effectivement une surveillance soutenue, comme les sorties d’écoles ou autres passages fréquentés. Il faut donc revoir la signalisation dans beaucoup d’endroits si l’on supprime les radars ; ça va de pair, me semble t-il !
- Soyons positifs ! Acceptons l’idée, nous verrons après ce qu’il y aura lieu de faire. En France, il est de bon ton de toujours critiquer les idées neuves. Le gouvernement gouverne, il a été élu pour ça.
- Facile ! Dommage qu’à cause d’un ou deux olibrius sans limites, toute la population soit obligée de cracher au bassinet .
- Non, les statistiques des accidents sont parlantes, Amédée. Les contestataires n’y pourront rien. Le gouvernement est intransigeant, quoi que… L’idée des radars pédagogiques soit nouvelle. La preuve qu’une certaine souplesse est toujours possible !
- Attention Rigolus ! Le gouvernement pourrait se retrouver confronté à la colère du peuple, comme ailleurs dans le monde.
- Restons si tu veux bien sur le sujet de la vitesse. Les gens vont peut être se mettre à faire plus de vélo, rêvons un peu ! Un monde meilleur ? Enfin ! Une planète propre et disciplinée… ça me fait penser au film « Jour de fête » où Jacques Tati incarnait le rôle du facteur à vélo.
- Mon pauvre Rigolus, ton optimisme est démesuré, déconnecté de la réalité ; on dirait que tu es sous l’effet de champignons hallucinogènes. Les radars sont plus qu’un moyen de contrôle puisqu’ils nous punissent. Une forme d’impôt déguisé. Méritons-nous un tel châtiment ? Dans ce cas, flagellons-nous et enlevons les avertisseurs et les panneaux indicateurs. »