« Si : Tu seras un homme, mon fils »
Traduction de Leslie Tourneville (2009)
Si tu peux rester calme quand tous ceux qui t'entourent
Cachent à peine leur mépris ou te couvrent d'insultes,
Si tu ne renonces pas quand ceux que tu consultes
Jugent ton projet fou et te dénient leur secours,
Si tu sais patienter quand l'attente s'éternise,
Et refuses de haïr ou de noircir à tort
Ceux qui par haine t'avilissent sans aucun remords
Sans croire que par cet acte la sagesse t'est acquise,
Si ta philosophie est mère de tes actions,
Si tu poursuis tes rêves sans te faire d'illusions,
Si par clairvoyance tu tournes en dérision
Tes succès et échecs et leurs trompeuses fictions,
Si tu peux supporter les cris de la canaille
Qui déforme tes paroles devant une foule ravie,
Et voir réduite en cendres l'œuvre de ta vie,
Et avec plus d'ardeur redoubler de travail,
Si tu peux rassembler tout ce qui t'appartient,
Et oser tout risquer en misant tout sur Face,
Tout perdre, et sans un soupir plonger avec grâce
Dans l'inconnu, avec ta liberté comme seul bien
Si, quand ton corps épuisé veut t'abandonner,
Quand tes jambes fléchissent et refusent d'avancer,
Quand ton cœur, tes muscles et tes nerfs te hurlent « Assez ! »
Ta volonté est plus forte et leur ordonne « Tenez ! »
Si tu gardes en mémoire que tu n'es que poussière
Quand la foule t'acclame et que les rois t'embrassent,
Si dans ton cœur tu offres à tous les hommes une place
Sans que personne ne puisse en ternir la lumière,
Si tu peux faire de ta vie un feu d'artifice
Où chaque seconde est féconde comme Zeus et sa pluie d'or,
Toute la terre sera tienne avec tous ses trésors,
Et, bien mieux encore, tu seras un homme, mon fils !
Remarque :
Ci-dessus une des dernières traductions en français du célèbre poème « If » de Rudyard Kipling (1910).
Parmi les traductions connues, nous pouvons lire celles :
- d'André Maurois (1918) ;
- de Geneviève Bernard-Chercheusky (1942) ;
- de Jules Castier (1949) ;
- d'Hervé-Thierry Sirvent (2003) ;
- de Jean-François Bedel (2006)
et celle, ci-dessus, de Leslie Tourneville (2009).