Témoignages (27)

Publié le par L. S.

 

 

 

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Mes horizons étaient teintés de mauve

 

(Suite - 11)

                                        Laurence S.

 


 « La cousine Laurence ! Jeannette nous parlait à l’instant de vous. Je suis un ami de François, Rodolphe Leconte. »  « Enchantée !» c’est tout ce que je trouvais à répondre et c’était déjà beaucoup d’effort, ne sachant que faire si ce n’est de rougir, tant il m’impressionnait. 

- « Ma voiture est tout près, puis-je vous déposer quelque part, la chaleur est si harassante ? » C’est ainsi que tout a commencé ! Une passion qui dura cinquante ans jusqu’à ce que la mort nous sépare. Notre rencontre venait de remplir mes horizons de mauve, moi qui voyais le bonheur comme un ciel bleu, lui qui chantait « la vie en rose ». De ce jour, le voile de brume qui recouvrait mon cœur se dissipa. Ce mauve électrique qui colore le ciel juste avant l’orage, taguant mon âme émaciée d’ecchymoses, vint paradoxalement le baigner de sa douceur, lorsqu’il s’étire à l’horizon, révélant  ses contours, annonciateur d’un jour nouveau laissant naître l’aurore. Originaire du Gers, il enseignait le français dans un collège  de Tarbes. François était son camarade, militant comme lui au parti communiste. Rodolphe, orphelin de père, étouffé par une mère très possessive avait su très vite quitter la maison familiale pour se monter en ménage. Marié, deux enfants, sa vie était déjà tracée. Alors, pourquoi ? Quelle souffrance et quel malheur de se trouver ainsi pris comme dans les mailles d’un filet dont on ne sait comment sortir ? Le bonheur de cette rencontre resterait boiteux pour la vie. Mais notre passion étant la plus forte, nous avons supporté les aléas de cette vie secrète et chaotique, acceptant la souffrance de nos séparations répétitives. Nous étions si complices, nos goûts, nos humeurs, nos pensées, tout nous correspondait, nous étions totalement en osmose. Durant notre court séjour sur terre, si nous avons la chance de rencontrer « l’âme sœur », pourquoi ne pas la saisir en s’autorisant  le bonheur, malgré la tristesse de la situation? Et puis, résoudre le problème était trop compliqué. Lui, aurait répandu le malheur dans sa famille, et moi, j’avais à prendre soins des miens. Nous avions beau retourner la situation dans tous les sens, il n’y avait pas d’autre issue que celle de se résigner à vivre dans le secret. Notre amour était indestructible, mais la vie pouvait continuer ainsi, sans faire souffrir qui que ce soit, mis à part nous et notre amour. Il était devenu mon ami, mon confident, mon refuge, mon point d’appui. C’était lui, l’être cher dont j’avais tant rêvé, la vie me l’avait offert, c’était ma destinée. Son port altier vêtu d’élégance, son regard profond tel un puits de lumière où je me ressourçais, substance désaltérante et intarissable. Sa voix, chaude et envoûtante glissait sur moi, finissant sa course dans un ravissement salutaire, me laissant flotter sur un radeau voluptueux de tendresse arrosé de soleil. Le bonheur à l’état pur, allant jusqu’à l’exubérance. Comment ne pas être séduite, comment refuser ce présent ? Il avait, tout comme moi, une âme de poète. Il disait ; « La nature est une valeur sûre qu’il faut respecter pour sauver l’humanité, nous devons conserver ses lettres de noblesse. » Il était émerveillé à la lecture de mes poèmes, je n’avais, jusque-là, jamais osé les faire lire à quiconque. Il enviait ce don, avouant son incapacité à faire chanter les rimes et les mots de la sorte. Je pouvais tout lui confier, tolérant jusqu’à nos divergences religieuses et politiques, seuls points où nous étions en désaccord. Peu importait, nos êtres étaient faits pour s’aimer pour le meilleur et pour le pire. O combien la tristesse se fait belle quand on a quelqu’un auprès de qui pleurer. Mon très cher amour, toi qui n’es plus, en écrivant ceci, mon cœur se serre comme dans un étau, ressentant le manque de ton souffle divin et le vide immense de ton absence à en mourir. Je t’aime encore, mon cœur ne vieillit pas, il a toujours vingt ans.     
        

(A suivre)

 


 


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