Témoignages (29)

Publié le par L. S.

 

 

 

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Mes horizons étaient teintés de mauve

 

(Suite - 13)

                                        Laurence S.

 

 

La prégnance de cet amour harcelait ma chair et mon cœur lancinant. Prévenu par François que je n’étais pas bien et ne pouvant être auprès de moi, il me fit livrer un superbe bouquet de roses rouges parfumées de ces quelques mots ; « Rien n’est plus beau que l’amour de ma mie et un bouton de rose. S’ils venaient à manquer, nos horizons perdraient leur luminosité et leurs reflets de mauve. A bientôt mon âme sœur que je chéris, je vais venir très vite. » Par ces preuves d’amour et ces délicates attentions, notre complicité renforçait la confiance qui nous liait l’un à l’autre.


 Et la vie reprit son cours, les enfants s’épanouissaient et nous apportaient beaucoup de joie. Ils étaient tous trois très joyeux et dynamiques. Un jour, Rodolphe me proposa de bon cœur de les emmener à la mer avec nous et nous sommes partis à Capbreton pour la journée. Durant tout le trajet, ils chantèrent à tue-tête et nous étions sous le charme de leurs belles voix. C’est vrai qu’ils chantaient bien, tu me le rappelais souvent. Marie-Françoise, leur cousine, avait dû se résigner à leur faire de la place. Trois petits envahisseurs pour une fille unique, c’était plutôt contraignant. Elle, si soigneuse, trouvait ses livres de collection remplis de gribouillage. Le calme auquel elle aspirait pour ses études, n’était plus concevable. Elle s’isolait dans sa chambre et prévenait les éventuels problèmes en rangeant correctement ses affaires afin d’éviter tout débordement. Au fil des jours, ils étaient devenus comme frères et sœurs et elle s’y attacha. Monique aimait blaguer, elle baratinait les gens de façon très spontanée, quelquefois même trop hardie, nous mettant dans la gêne. Alors, maman la reprenait en lui conseillant de tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler. Un jour, quittant des amis, on l’entendit s’exclamer ; « Au revoir et merci pour les gâteaux ! », comme son père le disait quelquefois. Sauf que là, nous n’avions pas été conviés à goûter. Michel était plus réservé, exprimant peu ses émotions. Le seul garçon de la maison était idolâtré par nous toutes tout comme Mado et maman l’avaient fait. Martine, née deux ans après lui, était le bébé de la famille, très chouchoutée par son papa qui était le seul à recevoir des bises de sa part. Elle n’avait que trois ans lorsque leur mère les quitta. A la fois boudeuse et colérique, elle était timide, sauvageonne et extrêmement sensible. Sa santé lui infligeait des otites à répétition qui la rendaient souvent inquiète. Chacun à sa façon demandait beaucoup de disponibilité et d’attention, par ce besoin indispensable d’affection. Maman prenant en charge toute la maisonnée, nous participions au mieux à leur éducation et à leur confort. J’avais alors trouvé un nouveau travail, l’hôpital recrutait. Les sœurs de Nevers, qui le dirigeaient encore dans les années soixante, m’engagèrent à l’hospice. Les personnes âgées dont je m’occupais étaient pour la plupart en fin de vie. J’avais encore à l’esprit, le souvenir de mon père et de Mado, gisant de douleur sur leur lit de mort. La déchirure de ces moments était encore si vive en moi, tout me les rappelait, les odeurs, les gémissements, le regard monstrueux de la mort et son râle. En quittant mon travail le premier soir à vingt-deux heures, je suis allée chez les sœurs, sonnant la grosse cloche de la communauté. La supérieure me reçut fort étonnée de ma visite tardive, venant juste pour l’informer de mon incapacité à poursuivre ce travail trop éprouvant psychiquement. Elle m’encouragea à finir au moins la semaine, me disant qu’elle allait prier pour moi. Son aide fut entendue. Par leur gentillesse et leur réconfort à mon égard, les sœurs me donnèrent la force de continuer ce travail, ce que je fis durant vingt ans, c’est-à-dire jusqu’à ma retraite.

 

 

 

(A suivre)

 


 


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