Témoignages (30)
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Mes horizons étaient teintés de mauve
(Suite - 14)
Laurence S.
Lorsque je ne travaillais pas, je profitais des enfants et nous allions souvent en promenade. Nous empruntions alors les chemins environnants, surtout la route de la vallée de Batsurguère qui partait du Béout, passant par l’Arouza en direction d’Aspin. Nous en faisions le tour, revenant par la côte des courriers. D’autre fois, nous prenions le funiculaire qui monte au Pic du Jer. En période de Noël, nous allions visiter les crèches des églises alentours. Je crois leur avoir transmis le goût des promenades, l’amour et le respect de la nature. Je pense avoir baigné leur enfance de ces doux moments de bonheur et de sérénité puisés dans ce monde originel qui vous ramène à la vie, la vraie. Je suis convaincue que la nature a ce pouvoir anesthésiant, cicatrisant les douleurs de nos âmes par l’abandon de soi, communion synergique de la lumière du ciel et de l’énergie terrestre. Mon cher amour, nous aimions la profondeur du silence qui invite à la contemplation, nous donnant l’impression de vivre un ailleurs, déconnectés de tout. Chaque retrouvaille en partance vers de nouveaux horizons était comme une lune de miel. Nous partions chaque été pour une ou deux semaines, heureux de visiter la France et ses merveilles. Les Baux de Provence, décor unique et féerique, tandis qu’apparaissait, sur le chemin du retour, le moulin de Daudet, fièrement dressé sur sa petite colline, puis la Camargue sous un ciel lumineux qui nous attendrissait. Que de merveilleux souvenirs ! Les Baléares et très souvent l’Espagne, où Rodolphe partait en mission secrète, envoyé par ses camarades du P.C.F cherchant à contrecarrer le régime dictatorial de Franco. Tout cela, je ne le sus bien évidemment que plus tard. Une fois, nous allâmes à Paris que je connaissais déjà pour y avoir séjourné, en compagnie de Bernadette et Pierrot, ainsi que de Marie-Françoise alors toute jeunette. Nous avions été invités chez des cousins de Pierrot, Joseph et Marie et leur fille Jeanine. A cette époque-là, Papa ayant fait une bonne saison, avait offert de bon cœur une voiture à son gendre. En rendant visite à la famille Dupont, nous avions assisté de leur balcon, avenue Daumesnil, à un défilé apercevant le président de la République de l’époque, René Coty. Puis, tandis que les miens roulaient vers Haguenau pour se rendre dans la famille de Pierrot, je passais quelques jours avec mes amis parisiens, me conduisant jusqu’au château de Versailles. Emerveillée par ce séjour, je récidivais, mais cette fois, accompagnée de mon amant. Nous avions vu Simone Signoret au théâtre, Montand dans son récital, une opérette avec Guétary et un spectacle de Bourvil. Puis, nous étions allés à Haverskerque où vivait Jeanne, la sœur de Pierrot, qui souhaitait vivement faire la connaissance de Rodolphe. Le Nord, que l’on dit si froid, n’était qu’un feu de joie ! Tout cela me revient en mémoire, me rappelant les années de jeunesse et de bonheur, tous ces lieux enchanteurs, insoupçonnés, émergeant à l’improviste au détour d’un chemin, d’une route, tapis au creux d’un vallon, nichés dans un coin sauvage gardé à l’état pur comme un joyau dans son écrin. Ils ont empli nos cœurs de souvenirs éternels. Je ressens encore ce vent chaud caresser ma peau satinée du soleil doré, drapée de lumière sur fond d’embruns. J’ai toujours follement aimé la mer et le soleil. Tu me déconseillais les expositions trop prolongées, mon plaisir prenait le dessus, ne pouvant résister à un tel bien-être. J’avais une peau mate qui tolérait bien le soleil, mais par la suite, je compris combien tu avais raison, mes jambes en ayant souffert. Je revois ces sols couverts de bougainvilliers, ces décors bouleversants émergeant de toutes parts, entre mer et montagne, les essences volatiles particulières à chaque coin. Nous aimions ces patrimoines d’exception à caractère unique qui nous rendaient heureux, possédés par la richesse de tant et tant de merveilleux moments.
(A suivre)