Témoignages (32)

Publié le par L. S.

 

 

 

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Mes horizons étaient teintés de mauve

 

(Suite - 16)

                                        Laurence S.

 

   

Un été, les petits se réjouirent de nous accompagner à Tarragone. L’hôtel Astari ! Quel merveilleux séjour, fait de rires, de chants, de promenades et de baignades, du matin jusqu’au soir. A la nuit tombée, le chant des cigales venait bercer nos nuits douces et légères, à l’heure où la mer froisse son lit de soie. Alors, nos deux cœurs battaient à l’amble quand l’amour, cet abandon de soi rempli par la présence de l’autre, d’une envolée de marches, suivait son vol érotique et sensuel. Cher pays d’Espagne ! Nous l’avons parcouru maintes et maintes fois sur les routes suintées par le goudron visqueux. Routes aux couleurs chatoyantes, bordées de cyprès, de chênes-liège et de lauriers rouges et rose. L’Espagne, terre des oliviers roussie par le soleil, boule de feu orangé qui surgissait au petit matin, émergeant à l’horizon. Soleil de feu ne nous quittant plus jusqu’à la nuit tombée, tardive et tiède. De la Costa Brava vers la Costa del sol, ces terres qui se déploient à l’infini, dans le vent chaud mais léger qui vient soulever l’odeur sublime des pins ou des jasmins enivrants. Sur la route du retour, l’air frais salutaire de la montagne nous suivait jusqu’à la frontière pyrénéenne et au-delà accompagné des buissons de genêts arborant leur jaune éclatant, sublimant ainsi la magie de ce décor mirifique qui nous laissait sous le charme. A cette époque, nous avions la douane à passer. Les douaniers français n’étaient pas commodes. Je me souviens d’une fois où nous avions été fouillés. Ils avaient mis l’intérieur de la voiture sans dessus-dessous pour nous confisquer un malheureux chorizo. Très déçus par la sanction, nous avions évidemment été très contrariés d’autant plus qu’ils étaient en plein apéritif. Chacun en jugera à sa façon ! Mais tout cela n’enlevait en rien l’affection que nous portions à ce pays qui venait souvent bercer nos rêves. J’entends parfois la mer, comme un coquillage collé à mon oreille, murmure si lointain et pourtant toujours là. Je sens les vagues rythmer mon coeur et mon souffle sur celui du vent. J’en ressens ses caresses à la fois tièdes et vives, me disant que c’est peut-être toi qui me les envoies. La mer a  ce bleu gris teinté de mauve qui la rend si touchante et inaccessible. Les mouettes poussent leur cri strident comme pour annoncer la pluie. Après seulement, je sais que reviendra le beau temps. S’il n’est plus pour moi, il sera au moins pour vous, mes chers enfants. Sachez le prendre quand il se présentera à vous. Ne dites surtout pas, «  j’ai bien le temps ! » Car ce temps précieux nous est compté. Cueillez les fruits de la passion tant qu’ils sont mûrs. Trop tard rime toujours avec regret. Je n’en ai aucun. Juste un peu de nostalgie, mais ce n’est rien. Elle m’habite, me remplit des merveilles d’un passé révolu qui m’est cher comme vous l’êtes tous irrémédiablement. Elle est ce contenant qui fortifie mes jours à ces heures de manque où, paradoxalement, ma plume vient gommer l’ennui qui chagrine mon souffle au coeur. Nostalgique mélancolie qui me tient sans cesse compagnie, face au néant qui s’enthousiasme à persécuter de ses miasmes l’acuité de mes sentiments. Je remercie le ciel et tous ses saints de m’avoir offert tant de luxe. Rodolphe n’était pas catholique, mais respectait toutefois mes croyances. Il avait le souci de partage et d’équité, il savait combien l’altérité nourrit les êtres. Il lui arrivait alors de s’arrêter devant une église, m’attendant dehors fumant son petit cigarillo, le temps d’une prière que je disais faire aussi pour lui. Il croyait au bonheur sur terre et aux idées de son parti. Il désirait changer le monde et ses mentalités, ne supportant aucune injustice ou violence et son éthique lui renvoyait toute mon estime.

       

 

(A suivre)

 


 


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