Roman : La rivière savait… (30)

Publié le par M. P.

(Suite)

Mes amours

Les jours passaient. Je n’avais goût à rien. Je n’allais plus à la rivière.

Le printemps déversait ses trombes d’eau sur la terre endeuillée inondée de larmes.

Même la neige avait refait son apparition sur les cimes des montagnes pyrénéennes.

Le temps s’étirait lentement, on eût dit novembre. La tristesse des jours ressemblait à la mienne. Cependant, la nature continuait à vivre, transportant ses pollens de-ci de-là, au gré du vent. Même les cerisiers en fleurs ne me charmaient plus. Soumise regrettait ses promenades et ses siestes au pied de l’aulne. Elle traînait ses ans et se faisait de plus en plus sourde. J’étais triste et vide de tout. Mamilou me manquait terriblement !

Pierre avait repris ses cours à l’école vétérinaire de Toulouse. Je le sentais frileux à tout engagement concernant notre amour. Il voulait avant tout finir ses études auxquelles il consacrait tout son temps. Nous nous écrivions. Il était revenu pour un weekend en famille. Il me disait n’avoir plus que deux années d’étude, que nous avions toute la vie pour s’aimer, que le mariage est une affaire sérieuse... J’avais tant besoin de lui, de sa présence, de son affection, de son amour. Je me languissais de ces absences répétées qui rendaient mon humeur cyclothymique. Il allait rentrer pour quelques jours à la fin juin avant d’effectuer un stage d’été dans le Gers.

Toutefois, le soleil refit son apparition. Passés les saints de glace, la terre illuminée  réchauffa mon cœur et les journées se firent moins moroses.

Laurent avait changé de voiture, offrant sa 2CV à Pierre qui venait d’obtenir son permis de conduire. Ce dernier me fit la surprise d’un séjour à Biarritz à l’occasion de mes vingt ans. Cette fois, nous avions déjeuné chez l’oncle Valentin. Je retrouvais peu à peu ma bonne humeur, profitant de chaque instant présent. Le beau temps était au rendez-vous, et, pressés de voir la mer et de pouvoir enfin s’aimer en toute liberté, nous avions repris la route en début d’après-midi. Nous avons déposé nos affaires à l’hôtel. Nous sommes restés longtemps blottis l’un contre l’autre à regarder la mer, éblouis par la lumière d’un soleil éclatant, étourdis par l’air vif qui nous revigorait. Puis, nous avons marché, bras dessus, bras dessous, longeant cette mer immense qui nous charmait. Le vent freinait nos pas. La mer nous embrassait de ses embruns. Nous étions heureux. Si heureux qu’il nous semblait que rien au monde ne pouvait ternir ce bonheur. Il me vint à l’esprit le souvenir de ce jour merveilleux où nous avions pique-niqué quelque part, là-haut, sur les hauteurs de la ville. Mamilou n’ayant pu se joindre à nous. Elle n’avait donc jamais vu la mer ! Pensais-je. Le passé revenait sans cesse tirailler mon cœur. En gardant Mamilou présente en moi, j’avais la sensation qu’elle ne m’avait jamais quittée. Pierre n’aimait pas me voir rêveuse. Il me disait alors : « où étais-tu, à quoi pensais-tu ? La mélancolie m’était devenue si familière, que je ne me rendais même pas compte qu’elle m’assaillait. Ce soir là, nous avions bu du vin et du champagne. Pierre m’avait offert une bague en or sertie d’un saphir. Il m’avait dit de sa voix douce :

« Tu y verras toujours l’océan s’y refléter. Tu penseras à moi ainsi qu’à notre amour ! »  

La fatigue du voyage, la marche, l’air pur vivifiant, tout cela ajouté à l’alcool nous avait transportés très vite dans les bras de Morphée. L’aurore nous regardait dormir l’un contre l’autre, bercés par le va-et-vient incessant de l’Océan tout proche. Ce n’est que tard dans la matinée, réveillés par l’envie d’un bon petit-déjeuner, que nous avons sauté du lit, ensoleillés de tout, éclaboussés par la beauté de ce site luxuriant. Pierre parlait peu. Il était cependant radieux. Ses yeux enamourés parlaient à sa place. Baudelaire me revenait en mémoire :

«  Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté. »

La nuit suivante fut baignée de tendre. La lune gibbeuse éclairait notre chambre, rendant la nuit plus claire. Son ciel de velours venait d’emporter mon hymen dans les étoiles. Nos corps doux et légers dansaient au rythme de la mer. Je me suis sentie enfin revivre :

« O Pierre ! Mon amour ! Mon amant ! La vie est capable de tout, du meilleur comme du pire ! » Merci à elle de m’avoir comblée de ce cadeau qu’on appelle l’amour, qui est notre élixir de vie à tous. Plus les jours passaient, plus cet amour grandissait au point de nous trouver amers et désemparés lorsqu’il fallut se séparer et reprendre nos vies chacun de notre côté.

Soumise m’avait fait la fête, se tortillant en tous sens, poussant de petits cris de joie. Sa présence bienfaitrice m’aidait à supporter les absences de Pierre. J’étais habitée du souvenir de ce séjour en amoureux et j’avais repris ma plume.

(A suivre)

 

Publié dans culturels

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