Regards philosophiques (167)
Thème :
« Que mettons-nous dans le mot « valeur » ? »
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Débat :
► Pour moi les valeurs sont des bases fondamentales qui nous sont transmises. C’est comme un héritage, soit par notre éducation familiale, soit par l’éducation scolaire. Ce sont aussi des règles et des lois établies par des gouvernements. Mais les valeurs, nos valeurs, celles qui sont en chacun de nous, qu’il s’agisse de valeurs transmises ou de valeurs acquises, participent à la construction de notre individu.
Donc, partant de là, je pense que chacun de nous peut personnaliser la définition de ce qu’il entend par le mot valeur. Je suppose que nous n’entendons pas tous précisément la même chose. En ce qui me concerne, pour présenter symboliquement les valeurs, j’ai choisi cette métaphore où les valeurs sont des poteaux indicateurs qui bornent notre route pour nous rappeler des règles de conduite et pour éviter, ou du moins limiter, les accidents liés à cette circulation qu’est la vie, grâce à l’application d’un code commun qui permet la sécurité, leur but étant d’inciter à la prudence.
Il est aisé de comprendre la nécessité du respect de tous ces panneaux indicateurs. Les valeurs n’ont de valeur réelle que dans la mesure où elles sont utiles et permettent le mieux vivre ensemble, en respectant par exemple, les principes de Liberté, d’Egalité et de Fraternité, puisque ce sont là les valeurs de notre République française.
J’ajoute à ces principes une recommandation qui me vient de mes parents. Lorsque j’ai quitté mon village pour aller vivre ma propre vie, mon père m’a dit : « N’oublie jamais que tu portes en toi toute ta richesse ! » Ma richesse, c’était mon honneur et mon honnêteté. Cette phrase ne m’a jamais quittée et je continue à la considérer comme une valeur sûre.
Je complète ces valeurs par la dignité, la tolérance, la justice, l’intégrité, le respect des individus, celui de la nature, des animaux…
► Dans les grandes villes aux Etats-Unis, nous voyons des quartiers ethniques ; chaque quartier à sa bande de voyous avec leurs « valeurs », qui sont surtout de solidarité entre eux, comme s’ils avaient à se défendre contre le reste du monde. Il n’y a pas là, de valeur universelle ; là, le respect des autres, le respect de la nature, de l’environnement, on en est loin. Leur valeur première, c’est : « on doit nous respecter », quitte à faire régner la terreur.
► Il y a deux sens au mot valeur : la valeur financière, commerciale, et la valeur philosophique ; finalement, j’ai l’impression que les deux sens se rejoignent. Ces valeurs sont donc toutes relatives. Il y a des gens qui disent qu’il y a des valeurs universelles, mais elles ne le sont que parce que quelques personnes en ont décidé ainsi. En général, c’est toujours un système de valeurs établi par un peuple, quelque chose comme une boussole qui montre ce qui est important. Quand on veut savoir quelles sont les choses importantes, on peut avoir une petite indication en prenant la devise de chaque pays, qui met en exergue des valeurs choisies. Pour la République centrafricaine, c’est « Unité, Dignité et Travail » ; pour le Pérou, c’est « Libre et Heureux par l’Union » ; pour la République de San Marin, c’est « Liberté » ; pour le Mali, c’est « Un peuple, un But, une Foi ». En France, sous le Premier Empire, c’était « Honneur et Patrie », dans la Constitution de 1848, c’était « Travail, Famille, Propriété » [formule voisine de la devise « Travail, Famille, Patrie » du gouvernement de l’Etat français dit régime de Vichy] ; maintenant c’est la devise républicaine « Liberté, Egalité, Fraternité » [inscrite à l’article 2 de la Constitution de 1958]. On retrouve souvent les mêmes mots, les mêmes valeurs, comme Liberté, Famille, Travail…
► Est-ce qu’il n’y a pas une valeur sur laquelle nous pourrions tous être d’accord pour dire qu’elle est une valeur universelle ? Est-ce que, par exemple, dans les dix commandements, on ne pourrait pas prendre comme valeur universellement partagée : « Tu ne tueras point ! »
► Non ! Même cela n’est pas universel ! Le djihad exhorte à tuer les infidèles. On retrouvait la même chose dans la Bible ou la conversion pouvait passer par « le glaive » ou, plus tard, par le bûcher, et on en entendu : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! »* Il est donc difficile de trouver une valeur réellement universelle.
*[Parole prononcée, lors de la prise de Béziers en 1209 par la 1ère croisade des Albigeois, par le chef de la croisade, Arnaud Amaury, légat pontifical et abbé de Cîteaux.]
► Il pourrait y avoir une valeur qui soit universelle, c’est celle qui a un rapport avec la survie de l’espèce. Je pense que « tu ne tueras point » est une valeur reconnue par beaucoup de civilisations, car nulle civilisation n’a tué de gaité de cœur ; il y a toujours une justification plus ou moins tirée par les cheveux. Est-ce qu’il a une différence entre les valeurs et les interdictions ?
(A SUIVRE)
Extraits de restitution d'un débat du café-philo
avec lequel je garde un lien privilégié
en tant qu'un des artisans de sa création.