Regards philosophiques (263)
Ce sujet comporte un problème, c’est le « se » pronom personnel renforcé par un autre pronom personnel qui est « soi » additionné du mot « même ». Autrement dit, le sujet, peut-il être le moteur de l’action qu’il exerce sur lui-même, ce qui aboutirait au changement recherché. Mais il n’aborde pas les motifs suivants : le canal par lequel s’opèrent les changements, la périodicité, l’action centrée sur le sujet lui-même, l’utilité de cette action dans la gouvernance de la vie du sujet lui-même.
Donc, dans cette espèce de circularité, où le sujet n’est abordé que par son action sur lui-même, on pourrait évoquer ce qu’on appelle, l’idiotisme, (ce qui ne fonctionne que pour soi) ou, encore, l’idiosyncrasie, c’est-à-dire qui est très particulier, qui ne peut être partagé, raisonnement qui ne renvoie qu’à soi.
Il m’a semblé pertinent de traiter ce thème en le subdivisant en deux éléments.
D’abord en premier, « peut-on changer ? » et ensuite « peut-on se changer, soi-même »
Peut-on changer ? La réponse clairement est oui ; nous changeons d’aspect en vieillissant, nous sommes différent à 20 ans ou à 60 ans, nous avons pu exercer, une ou plusieurs professions, traverser les aléas de notre vie relationnelle et culturelle. Nous avons pu engager notre vie dans une ou plusieurs associations, dans des choix politiques, à l’origine d’enrichissement divers. Nous avons les épreuves de la maladie, des deuils qu’il faut surmonter pour continuer à vivre.
Rien ne peut se faire sans nous, souvent nous devons ressentir des chocs répétés, faire preuve de résilience de notre enfance jusqu’à la mort, le désir de vivre toujours nous fait nous relever.
Maintenant, je passe à « se changer ». Une prière connue par les Stoïciens disait : « Donnez-moi la sérénité d’accepter les choses que je ne peux pas changer, le courage de changer les choses que je peux changer, et la sagesse d’en connaître la différence ».
Dans le numéro de philosophie pratique (Mars/Avril 2014) je lis que le courage de changer les choses demande : « d’être conscient de ce qu’il advient de nos désirs de vie, en premier par la culture, avec l’idéologie dominante qui tend à nous faire renoncer, à nous faire croire que l’homme est mauvais par nature [….] ne pas remettre en cause les fondements sociaux et économiques, accepter les différents boucs émissaires [….] et accepter l’interprétation des événements qu’on nous propose, etc. ».
Refuser qu’on instrumentalise notre vie, c’est faire preuve de courage, cela ne va pas de soi, cela peut être source d’incertitude, de désarroi, mais cela en vaut la peine. Cela vaut la peine de se connaître soi-même, en connaissant les autres, en comprenant les événements de la vie sociétale sous tous ses aspects.
Anatole France, lui, disait le contraire : « Je tiens la connaissance de soi comme une source de souci, d’inquiétudes et de tourments. Je me suis fréquenté le moins possible ».
Marguerite Yourcenar, croit le contraire, elle évoque le besoin d’échapper à l’existence qui lui était promise : « Le véritable lieu de naissance » dit-elle « est celui où l’on a porté pour la première fois un coup d’œil intelligent sur soi-même : mes premières patries ont été des livres ». Gustave Jung, lui, résume cela en peu de mots : « Ce qu’on ne veut pas savoir de soi-même finit par arriver de l’extérieur, comme un destin ».
Notre vie donc, est inséparable de celle des autres, des étrangers que nous rencontrons, qu’ils parlent notre langue ou non, le premier que nous avons connu, et qui nous connaît, c’est le visage étranger.
Dans « La pesanteur et la grâce » Simone Veil écrit : « Aimer un étranger comme soi-même implique comme contrepartie : s’aimer soi-même comme un étranger ».
Nous sommes nous, en intégrant l’autre.