"Ton mari est formidable !" : Acte 1 - Scène 3
Florine, une cafetière à la main, arrive de l'arrière cuisine. Elle va prendre un café avec les deux hommes, Igor et Léon qui sont déjà assis autour de la table.
Florine : Bonjour Léon. Toi, ici, maintenant ! Quelle surprise ! Je t'imaginais au travail.
Léon : Ma parole, vous voudriez l'un et l'autre que je m'épuise, m'escrime au boulot ...que j'y ruine ma santé...
Igor : Comme tu deviens excessif, toi aussi !
Léon : Même amicale, toute provocation a aussi ses limites.
Igor : Léon, pour séduire, le paon fait la roue...
Léon : Et alors ?
Igor : Alors que pour nous, le genre humain, elle tourne...
Léon : Je ne m'en plains pas.
Igor : N'insistons pas... Quoique... sous le règne de la mondialisation certaines valeurs pourtant essentielles sont considérées archaïques... Des jeunes ont raison de s'en inquiéter.
Florine : Pour eux c'est certain l'avenir ne s'annonce pas toujours en rose...
Igor : Mais qui à vrai dire connaît le sien ? Qui pourrait prédire celui de chacun d'entre nous ?
Florine : Qui vivra verra ! comme dit la vox populi.
Léon : La vie humaine étant ce qu ‘elle est : plus ou moins belle, plus ou moins longue, semée de plus ou moins d'embûches, chacun devrait savoir appréhender le présent avec
un certain relativisme et essayer de le vivre le mieux possible.
Florine: Plus aisé à préconiser qu'à faire !
Igor : Naturellement mais dès que la santé chancelle, les petits soucis quotidiens changent immédiatement de couleurs, non ?
Léon : Justement nous devrions tous prendre exemple sur notre « Nanard » à nous que je viens de croiser tout à l'heure devant chez vous. Il partait... je ne sais où...
gai comme un pinson... frais comme un gardon... bien rasé... bien mis... Heureux !
Florine : Comme un petit roi, quoi !
Léon : Et lui, toujours satisfait, toujours content, ne se pose guère de questions existentielles.
Florine : Et s'il passe trop souvent pour le naïf ou l'idiot du village, il ne l'est en définitive pas plus que d'autres.
Léon : Je confirme !
Florine : Pour ma part, chaque fois qu'il vient nous rendre visite, je suis stupéfaite par sa mémoire exceptionnelle.
Léon : D'éléphant !
Florine : Tout à fait. Mais contrairement à cet animal, il ne se montre jamais rancunier. De plus, il est toujours au courant de tous les potins du village. Je n'ai pas encore
compris...
Léon : Il a dû tisser ses propres réseaux d'informations et doit avoir à sa solde ses indics !
Florine : Et ne l'imaginerais-tu pas, dans tes extrapolations les plus extravagantes, chef d'une mafia... locale ?
Léon : Allons Florine... une plaisanterie, surtout bien grosse, n'a jamais fait de mal à personne... Au contraire nous devrions tous faire travailler bien davantage nos
zygomatiques.
Igor : Revenons à Bernard... D'un regard extérieur, nous pouvons effectivement supposer, à tort ou à raison, qu'il atteint et connaît là une forme de bonheur. Personnellement, j'ai
tendance à le qualifier, ce bonheur, de bestial.
Florine : Tu ne mâches pas tes mots, toi !
Igor : J'appelle un chat un chat... Pour moi en effet, tout Homme, par sa capacité à penser, à raisonner, se doit d'ambitionner un autre type de bonheur. L'intelligence que nous
revendiquons donne pour le moins quelques espoirs, surtout quelques devoirs de comportement !
Florine : Oui, l'humain devrait d'abord se comporter en humain...
Léon : C'est ce qui s'appelle une lapalissade !
Florine : Cela dit, je crois que chacun a sa propre conception du bonheur.
Igor : Justement, je vous laisse en débattre plus longuement tous les deux... Vous vous mettrez j'imagine assez rapidement d'accord sur l'idée que l'on peut s'en faire.
Florine : Je n'en suis pas si sûre que cela.
Igor : De mon côté, je repars au jardin.
Florine : J'ai un après-midi chargé... Reviens donc à l'heure pour se mettre à table à midi.