Regards philosophiques (122)

Publié le par G-L. P. / J. C.

 

 

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Thème :

  « Faut-il manger pour vivre

ou vivre pour manger ? » 

 


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  Débat :

 

 

 

Dans notre société moderne, la convivialité et le fait de préparer des repas existent de moins en moins. Parce que les femmes travaillent, elles n’ont plus assez de temps, parce que les industriels après la guerre se sont mis sur ce marché et ont commencé à fabriquer des produits, des plats (pas toujours très bons pour la santé). Finalement, dans les familles, malheureusement, on n’a plus le temps de faire à manger, plus le temps de cuisiner des légumes frais, on achète du « tout fait » ; j’ai l’impression, aussi, que l’individualisme poussé à l’extrême, même dans les familles, fait que parfois on ne mange même plus ensemble. Les adolescents mangent de leur côté, les parents, du leur, et, de là, la fonction de convivialité au sein d’une même famille a tendance à se perdre.


Dans ce thème, « vivre pour manger », j’ai aussi extrapolé au niveau de la consommation ; c’est-à-dire qu’il y a des gens qui, devant une publicité de plus en plus agressive, vont avoir envie de tout ; finalement, on voit des gens qui semblent ne vivre que pour consommer. Consommer des produits, consommer de la télévision, consommer tout et n’importe quoi ; ils vont s’endetter, faire des crédits « revolving » à n’en plus finir, se mettre dans des situations impossibles. Ils ont l’impression que plus ils consomment, plus ils sont heureux. Pour moi, que je sache, le fait de consommer à outrance ne me rend pas heureuse.


Dans des coutumes des pays arabes, la nourriture est présente dans toutes les fêtes, comme par exemple au hammam pour le bain de celle qui va se marier ou qui vient d’avoir un enfant ; il y a des beignets, plein de douceurs ; la nourriture fait partie du rituel.
Mais un proverbe dit : « On creuse sa tombe avec ses dents ».


Ce besoin de se nourrir nous le partageons avec les animaux ; c’est ce que nous disait Descartes : « Les bêtes brutes, qui n’ont que leur corps à conserver, s’occupent continuellement à chercher de quoi le nourrir ; mais les hommes, dont la principale partie est l’esprit, devraient employer leurs principaux soins à la recherche de la sagesse, qui en est la vraie nourriture » (Principes de la philosophie, lettre préface).


Depuis des siècles, l’alimentation, c’est l’expression sociale du besoin chez l’homme ; quant à sa satisfaction, choisir la seule alimentation humaine, est-ce que c’est très important ? Sûrement, puisque c’est très régulier et que ça dure toute une vie. Après, on pourrait dire : comment ? Alors, il existe deux plans, comme nous l’explique Jean Anthelme Brillat-Savarin dans sa Physiologie du goût (parue en 1825) : « Le plaisir de manger est la sensation actuelle et directe d’un besoin qui se satisfait. Le plaisir de la table est la sensation réfléchie, qui naît des diverses circonstances de faits, de lieux, de choses et de personnes qui accompagnent le repas.


Le plaisir de manger nous est commun avec les animaux ; il ne suppose que la faim et ce qu’il faut pour la satisfaire. Le plaisir de la table est particulier à l’espèce humaine ; il suppose des soins antécédents pour les apprêts du repas, pour le choix du lieu et le rassemblement des convives. Le plaisir de manger exige, sinon la faim, au moins l’appétit ; le plaisir de la table est le plus souvent indépendant de l’un et de l’autre. Ces deux états peuvent toujours s’observer lors de nos festins.


Au premier service, […] chacun mange évidemment sans parler, sans faire attention à ce qui peut être dit ; et, quel que soit le rang qu’on occupe dans la société, on oublie tout pour n’être qu’un ouvrier de la grande manufacture. Mais quand le besoin commence à être satisfait, la réflexion naît, la conversation s’engage, un autre ordre de choses commence ; et celui qui, jusque là, n’était que consommateur, devient convive plus ou moins aimable, suivant que le maître de toutes chose lui en a dispensé les moyens. »


C’est, à mon avis, la différence qui existe entre se nourrir et prendre un repas avec des gens qu’on aime, avec des gens qu’on a choisis. C’est quelque chose de plus social, de plus amical, et cela peut être aussi initiation, pour préparer les plus jeunes pour leurs rencontres autour d’un repas ; puisque le repas, c’est là où se rencontrent, en un même lieu, en un même temps, plusieurs générations.


J’ajouterai que parfois, longtemps après un bon repas, on se souviendra plus d’une conversation intéressante que des mets.


   
(A SUIVRE)

 

 

Avec l'aimable autorisation des animateurs, 

extraits de restitution d'un débat du café-philo

http://cafes-philo.org/

avec lequel je garde un lien privilégié

en tant qu'un des artisans de sa création.


 

 

Publié dans culturels

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