Regards philosophiques (16)
Articlez précédent : Regards philosophiques (15)
Pourquoi raconter des histoires ? (2)
Guy Louis : Quand j’écoute le conteur, je me laisse porter par son langage, emporter par son histoire, et la saveur des mots me grise. Je sens bien qu’il ne prend que des chemins de traverse, mais je subis le charme ; seul le conteur a ce privilège qui ferait fermer d’un seul coup ses cent yeux à Argus. Le philosophe aussi aime à ce qu’on lui raconte des histoires ; toute son étude, son savoir ne pouvant le mener à la vérité scientifique, il se laisse d’autant plus séduire par les « vrais beaux mensonges d’une histoire ».
Raconter des histoires, des philosophes l’ont fait. Nous avons les exemples de Thomas More en 1516 avec « l’île d’Utopie », dont voici un échantillon : « Chez les Utopiens, le fer était beaucoup plus utile que l’or, de sorte qu’ils se servaient de l’or pour faire des vases de nuit. A ceux qui étaient marqués d’infamie, on leur mettait un collier d’or autour du cou ou un anneau en or au doigt ». Pour ses idées contraires aux idées de l’époque, il sera condamné, néanmoins il sera canonisé en 1935 ; nous avons un philosophe « conteur » au Panthéon des saints. Un autre exemple a été Voltaire avec « Candide »… Dire, raconter dans une époque, nécessite parfois que le propos soit masqué, développé dans une fiction, ou encore, comme le firent Esope et La Fontaine, transposé dans la fable, afin que le conte fasse « passer le précepte avec lui ». Il y a des choses qu’on ne peut pas dire « comme ça », « tout de go », il faut habiller l’histoire, trouver le ton anodin, raconter.
Mais, chez tout autre que le conteur ou que l’acteur (lequel a également cet art du langage), un propos, un mot, une expression peuvent vous mettre en éveil, et l’on devient comme le gibier aux abois, oreilles grandes ouvertes, analysant les mots. On a tout de suite senti qu’on avait affaire à un spécialiste de la rhétorique, à quelqu’un qui tentait de vous abuser, car il est hélas plusieurs façons de raconter des histoires. A partir de ce qui occupe alors ceux qui racontent et des pensées qui viennent à ceux qui écoutent, il y aura ensuite ce qu’à leur tour ces derniers racontent : « d’après ce qu’on raconte… », « il paraît que…», « j’ai entendu dire que.. » et ainsi se forgeront des opinions. Raconter des histoires peut aussi découler d’une volonté de manipuler, d’endoctriner, et là c’est une autre histoire …
(A suivre)
extraits de restitution d'un débat du café-philo
http://cafephilo.over-blog.net/
avec lequel je garde un lien privilégié
en tant qu'un des artisans de sa création.