Monsieur Ronchon et les grandes surfaces

Publié le par M. G.

 

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Monsieur Ronchon et son ami Amédée se rencontrent sur le parking du Leclerc, près du hangar à caddies :

 

- Tiens, Amédée, quelle bonne surprise ! Tu n’aurais pas un euro s’il te plait ? C’est pour récupérer un caddie. Quelle drôle d’époque où même les chariots sont attachés !

- Bonjour, Monsieur Ronchon ; vous devriez avoir un jeton sur vous. Ainsi, vous ne seriez jamais pris en défaut. Comme moi !

Sèchement, en marmonnant : - Si tu crois, mon gars, que j’ai qu’ça à faire. Déjà qu’avec toutes ces cartes commerciales dans le portefeuille, on ne s’en sort pas !

Amédée : - Ah bon ? Bien, tenez votre pièce Monsieur Ronchon, et surtout, restez calme ! De grâce,  on ne va pas s’énerver pour si peu, n’est-ce pas ?

- Je te remercie, mon brave. Autrefois, on n’avait pas toutes ces camaligues, dans les bonnes vieilles épiceries. Ah ça non ! On venait avec son cabas faire ses courses et on disait bonjour en rentrant. D’ailleurs, je crois que je vais y revenir très vite.

- Ah ! Mais c’est plus cher et y a moins de choix ; l’attente est plus longue aussi.

- N’importe quoi ! On voit que tu es jeune. Au final, c’est moins cher puisque tu as économisé sur l’incertitude ; je m’explique : l’épicier te conseille, mon gars ; ainsi tu ne commets pas d’erreur, et donc, ton porte monnaie s’en ressent ! Tu dis qu’il y a moins de choix, c’est vrai, mais au moins, tu ne te laisse pas tenter par l’inutile. Et si c’est long, c’est bon. Ha ! Ha !

- Quand même, Monsieur Ronchon, on n’est pas idiot à ce point-là, on sait ce qu’on fait, non ?

- Non, capbourut,  on est des automates !  Des robots ! On se fait embarquer dans des choix qui ne sont pas les nôtres ; tu devrais regarder l’émission « Culture pub » de temps en temps à la télé… Le caddy est le symbole de notre société de surconsommation : une horreur !

- Quelle exagération ! Il faut vivre avec son temps, faire des affaires, résister coûte que coûte aux prix qui montent. Si vous croyez que tout le monde a les moyens aujourd’hui, vous vous fourrez le doigt dans l’œil, Monsieur Ronchon et je vous le dis sans ambages.

- Ne fais pas ton philosophe avec moi, mon garçon, ça ne prend pas ! D’ailleurs, je le dis haut et fort : stop à la société de marchandisation qui axe tout sur l’achat et qui court à notre perte !  De toute façon, comme le pouvoir d’achat ne cesse d’augmenter, je suis pour la limitation des dépenses. Je veux acheter mon beurre, mon pain, mon lait, ma viande, mon pinard et mes légumes. Point à la ligne !

- Moi je trouve que les discounts sont une aubaine pour améliorer le pouvoir d’achat, on sort de là en ayant le sentiment d’avoir fait des affaires et ça, c’est pri-mor-dial !

- Y en a partout maintenant et je dirais même qu’on est envahi. Moi, ce que j’aime, c’est le marché autour des halles, sa douceur de vivre, son naturel, le café au bistrot avec les amis et les derniers potins du coin. C’est là qu’on apprend les détails du dernier match de l’équipe fanion.

- Mais, c’est pour les vieux et puis, vous avez aussi un bar dans les grandes surfaces.

- Oui, parlons-en : l’autre jour, j’y suis allé avec des amis après des obsèques ; on s’est mis à tchatcher si bien qu’au fil des minutes, une joyeuse ambiance s’est installée entre nous ; j’ai tourné la tête sur les côtés et tiens toi bien, ils étaient entrain de nous écouter… comme si on était des martiens ! Ça prouve donc bien que cet endroit n’est pas normal.

- Monsieur Ronchon, je crois que vous ne sortez pas assez, justement. Vous avez donc toujours un regard décalé sur la société et c’est pour ça que vous ne vous y sentez pas à l’aise.

- Non je n’y tiens pas ; observe ces néons qui nous aveuglent, écoute ces musiques qui nous endorment, vois ces longs couloirs sans fin qui nous obligent à traverser tout le magasin pour quelques articles. En plus,  il faut peser soi-même les légumes et les fruits ! Quelle honte !

- Mais c’est moderne et rapide. Toc !

- Fariboles ! Tu es gentil mais t’as pas inventé la bombe !  Toujours faire la course contre la montre, comme si on allait en crever pour quelques minutes de plus. Et ils appellent ça le confort ! Mon œil ! Il faut prendre son temps…

- Moi, je remarque qu’il y a parfois des jolies caissières ; je choisis là où je veux aller.

- Diu biban ! Mon pauvre Amédée, tu serais couillounet ; moi, je m’en retourne chez Poutou, à l’entrée du village ou alors chez Kiebel, à Nousty. Là au moins, je sais où je mets les pieds. Et puis j’ai tous les conseils que je veux, les nouvelles du moment, les derniers travaux de la commune et surtout l’accueil.

- Faites gaffe, Monsieur Ronchon, vous allez rester coincé au tourniquet si vous ne vous en sortez pas ; on n’est pas à « Guyenne et Gascogne » ici !

- Et toi, cunèfle, je pourrais bien t’estourbir si tu continues à te moquer de moi… Allez, j’y vais parce qu’à ce rythme, par ta faute, à la nuit tombée, j’y serai encore dans ce magasin !

 

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M
<br /> C'est tout à fait vrai de dire que l'on achète souvent l'inutile car on est de moins en moins à l'écoute de ses besoins et les achats groupés pris dans les grandes surfaces relèvent d'un besoin<br /> autre qui nous échappe parfois... Ce sont des achats dits "compulsifs" et nous en sommes victimes malgré nous. Là, il y a évidemment des économies à faire en se rendant à l'épicerie du coin, c'est<br /> un bon moyen de rémédier à la tentation et si ça peut faire revivre nos jolis petits villages pyrénéens, alors tant mieux !<br /> <br /> <br />
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