Regards philosophiques (62)

Publié le par G-L. P. / J. C.

 

 

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Thème:

« Pourquoi, quand, et comment s’indigner? »

 


 

1

 

  (Présentation du thème)

 

Présentation de Florence


1)    Introduction

La question posée pourrait sembler bizarre ; effectivement, peut-on vraiment choisir le moment et le motif de son indignation ? En effet, à première vue, l’indignation est un sentiment qui s’impose à nous et qui ne se commande pas.

Récemment, un livre de Stéphane Hessel est sorti, un best-seller, qui porte pour titre, une injonction : « Indignez-vous ! ». Ah bon ?

Page 11,  il est écrit : « le motif de base de la Résistance était l’indignation »
Page 12 : « je vous souhaite à tous, à chacun d’entre vous, d’avoir votre motif d’indignation »

Page16 : « Aux jeunes je dis : regardez autour de vous, vous y trouverez les thèmes qui justifient votre indignation… Cherchez et vous trouverez ! »

Étrange, n’est-ce pas, vous êtes tranquilles, vous baignez en pleine ataraxie, et un gugusse sorti du passé, vous dit : « réveillez-vous ! »

D’accord, il faut s’indigner, bon, mais finalement la question qui vient tout de suite et qui manquait au titre du livre, c’est : pourquoi ? S’indigner, c’est bien, mais pour quoi faire ?


2)    Un peu d’histoire

Pour mieux comprendre nous allons revenir à l’étymologie. Et là nous relevons une première étrangeté, il n’y a qu’une seule étymologie pour digne, indigne et s’indigner.
Digne vient du latin dignus avec 3 sens assez proches :
- digne de, qui convient à – qui mérite – digne, honnête, juste, convenable, mérité.
Nous sommes donc dans le mérite et dans la dignité.
Indigne, comme tout mot originaire du latin qui se respecte et qui commence par « in » signifie le contraire.

Indigne vient donc du latin indignus : – Qui ne mérite pas – Indigne, qui ne convient pas.
Donc, si on s’en réfère à la grammaire, le verbe s’indigner devrait vouloir dire se rendre indigne : étrange !

En fait, dans l’étymologie latine, nous avons également :

« indignans, indignatis » qui est le participe présent du verbe « indignor »
« Indignor » : – s’indigner, être indigné – rejeter comme indigne, dédaigner – repousser, rendre odieux – irriter, aggraver, envenimer.

« Indignans », au participe présent donc, signifie quant à lui : – qui s’indigne – plein de rage, rétif.

Nous citerons en exemple : « genus indignantissimum servitutis » : la race la plus rétive à servir, ou « venti indignantes » : vent furieux.

Mais nous avons également : « Indignativum » : la partie irascible de l’âme, la faculté de se fâcher – « Indignitas » : qui peut exprimer à la fois l’indignité de quelqu’un et le sentiment d’être traité indignement.

Ouf ! Le latin nous sauve ! Il semblerait tout de même que s’indigner ce ne soit pas « se rendre indigne », mais ressentir de la colère face à une injustice.
Face à un traitement non mérité, ou que l’on juge indigne, on se sent « indigné ».


3)    La colère

L’indignation est un sentiment de révolte, de colère face à une injustice, mais après ?
Il est donc utile de digresser vers un développement vers la colère.
En effet, la colère a été développée par de nombreuses branches de la connaissance.
En religion, il est un des 7 péchés capitaux, et il n’est pas inutile de rappeler la définition d’un péché capital : est capital un péché non pas en fonction de sa gravité, mais plutôt en sa conséquence, en effet capital découle du latin caput : tête. Les péchés capitaux commandent tous les autres péchés.

En fait, dans la plupart des religions, la colère est une passion, qui en elle-même peut être destructrice ; la philosophie prolonge la réflexion.

Pour Aristote, la colère est irraisonnée, elle est désir de vengeance, secondaire à une marque de mépris.

Sénèque, dans son ouvrage Sur la colère, la considère comme une « folie temporaire, nuisible et dangereuse ».

En psychologie, si on examine la théorie de l’Ennéagramme qui définit neuf types de personnalités à travers neuf passions fondamentales présentes dans de nombreuses cultures, on retrouve la colère dans la description du type n° 1 :
Chaque type de caractère a mis très jeune en place des moyens de défense face à la perception du monde qu’il s’est forgé, se privant ainsi éventuellement des autres modes de défense et pouvant de par le fait produire un comportement parfois inapproprié.
Le type n° 1 a perçu que le monde jugeait les mauvaises attitudes et les pulsions. A force de réprimer leur spontanéité, une forte colère intérieure s’est développée, qui peut les conduire à un certain déséquilibre.

Je ne résiste pas à la tentation de deux citations : « la colère est mauvaise conseillère », et « patience et longueur de temps font plus  que force et rage ».
Alors l’indignation, qui conduit à la colère ne serait finalement qu’une agitation stérile ?
Pour chercher des réponses, nous allons retourner à la religion. Némésis est la déesse de la vengeance, mais elle représente aussi la justice distributive et le rythme du destin. Certains auteurs la nomment Adrastée, fille de la nécessité. Le mot Némésis signifiait à l’origine : « qui dispense la fortune, ni bonne ni mauvaise, simplement dans la proportion due à chacun, selon ses mérites ».

L’indignation serait donc un sentiment de colère face à une injustice.

 


  

(A suivre)

 

Avec l'aimable autorisation des animateurs, 

extraits de restitution d'un débat du café-philo

http://cafes-philo.org/

avec lequel je garde un lien privilégié

en tant qu'un des artisans de sa création.


 

 

Publié dans culturels

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